Journée FIPA 14 mars 2020

Qu’attendre d’un traitement court ?
La psychanalyse comme boussole

Il y a exactement 100 ans, en 1919, Freud avait déjà conçu le projet de créer des centres psychanalytiques gratuits. Il proposait alors « d’adapter notre technique à ces conditions nouvelles » et prédisait : « Tout porte aussi à croire (…) que nous serons obligés de mêler à l’or pur de l’analyse une grande quantité du cuivre de la suggestion directe.(1) »

Dans les travaux et débats qui ont entouré la création des institutions de la FIPA (2), la question de cette « adaptation » s’est posée. Pour les CPCT, la limitation de la durée à 16 séances a étéretenue comme contrepartie de la gratuité. Cette limitation de la durée, Freud l’avait inventée avec l’Homme aux loups. Cela n’a pas été le choix de tous : pour d’autres institutions de la FIPA, le temps se joue plus entre continuité et discontinuité. Ce qui rassemble les institutions de la FIPA est cependant l’orientation donnée par J.-A. Miller : « Le traitement gratuit à durée limitée ne se justifie que s’il introduit à l’expérience psychanalytique (…) (3) ». Pas question donc de céder sur le discours analytique qui est notre boussole, ni de verser dans la psychothérapie.

La pratique dans les CPCT et les institutions apparentées est ainsi conçue sur le mode d’une première approche de la psychanalyse, d’un premier cycle (4). Mais quelles sont les spécificités d’un tel premier cycle, tant côté sujet que côté praticien ? Du côté de la technique se pose d’emblée la question du temps logique, tel que les scansions et les actes de l’analyste peuvent le produire (instaurer « une relation scandée » selon l’expression de J.-A. Miller (5). Nous observons également des spécificités du transfert qui se fait le plus souvent sur l’institution, et pas spécifiquement sur le praticien dont le nom reste souvent oublié.

Pour savoir ce qu’on peut attendre d’un traitement, enseignons-nous de notre expérience qui s’étend à présent pour nombre d’entre nous au-delà de la décennie. Quels sont les effets produits par cette pratique particulière ?

 

Les nombreux travaux de nos institutions (publiés ou pas) peuvent nous enseigner quant à leur nature. Obtenir une « rectification subjective (6) » ne serait déjà pas si mal disait S. Cottet. Qu’un sujet puisse « (…) concevoir que la réponse à sa question ne lui serait pas délivrée automatiquement par un autre, mais qu’il avait en lui-même les moyens d’y répondre (7) ». Nous parions sur la rencontre et sur l’effet de surprise : il est étonnant de constater combien les sujets s’approprient vite le dispositif qui leur est mis à disposition.

Pouvons-nous repérer des séries parmi les cas ? Par exemple celles qui seraient dans le registre de la « naissance de l’Autre », donc de la production d’un sujet, celles qui permettraient de céder, lâcher ou d’apaiser une jouissance coûteuse, ou d’éviter un passage à l’acte, un déclenchement. Les effets sur les corps ont souvent été relevés. Ailleurs il s’agit de restituer sa complexité à une situation, de traiter un énoncé traumatisant, ou de faire avec un Autre méchant…

Enseignons-nous donc de l’usage que les sujets rencontrés font de nous : « L’être de l’analyste, c’est cela : se faire un instrument, rien de plus. C’est quelque chose dont on se saisit pour s’analyser avec (8) ». Mais aussi de ce que les praticiens disent de leur activité, de leur expérience, de leurs inventions… Jérôme Lecaux, co-directeur de la journée FIPA.

Pour s’inscrire à la journée FIPA : https://www.causefreudienne.net/produit/3e-journee-de-la-fipa/

 

(1) Freud S., « Les voies nouvelles de la thérapeutique », La technique psychanalytique, PUF, 1953, p.141. Traduction revue par J. Lecaux.

(2 )La Fédération des institutions de psychanalyse appliquée est composée de 16 CPCT et 17 institutions ou initiatives apparentées, proposant des traitements gratuits.

(3) Miller J.-A., « Le salut par les déchets », Mental n°24, avril 2010, p.15. 4 Cf. « Effets thérapeutiques rapides en psychanalyse. La conversation de Barcelone » (sous dir. de J.-A. Miller), Collection du paon, Navarin 2005, p.71. 5 Ibid.

(6) « S’en tenir à la rectification subjective, c’est-à-dire à l’implication du sujet dans le désordre dont il se plaint ne serait déjà pas si mal. » S. Cottet, « Raccourcir le temps pour comprendre ? », in L’inconscient éclair, Collection rue Huysmans, Paris.

(7) Ibid .

(8)  Cf. « Effets thérapeutiques rapides… », op. cit ., p. 70.