La réduction subjective n’est pas pathétique

La réduction subjective n’est pas pathétique (Une lecture du premier chapitre de L’Os d’une cure de Jacques-Alain Miller)

Par Noa Farchi

Dans le chemin d’une analyse, le sujet rencontre un obstacle qui s’impose à lui comme limite et qui donne substance au chemin en tant que tel. J.-A. Miller élève cette rencontre à la dignité de l’os d’une cure. L’analyse commence avec ce qui coule, ce qui roule, ce qui se dit et qui se parle. Nous repérons ce qui se répète, ce qui converge dans le champ de ce qu’il est possible d’évoquer, d’articuler et dont on peut se rendre compte. Ce travail par la parole en analyse qui dénude le sujet à ses éléments osseux, J.-A. Miller le nomme un « déshabillage de l’être [1] ».

Arrêtons-nous sur un passage de la page 27 qui traite de cette opération, délicate et risquée, de déshabillage de l’être. Sur quoi pourra-t-elle s’appuyer ? « Disons qu’elle porte sur le sujet. La réduction subjective se place à un niveau au-delà de la rectification subjective. » Au-delà de la rectification subjective… cela renvoie au terme employé par Lacan dans son texte sur la direction de la cure où la relation du sujet avec le réel est rectifiée lorsqu’il parvient à articuler quelque chose de sa position par rapport à ce qui lui tombe dessus. La réduction subjective devrait être la suite du travail autour de la question « en quoi suis-je impliqué dans l’affaire ? »

Soulignons ce terme : la réduction subjective. S’agit-il d’un sujet réduit, amoindri, pathétique en quelque sorte ? À quoi est-il réduit ? Que reste-t-il de ce sujet, lui qui a commencé son analyse par la prolifération de la parole comme une « mauvaise herbe [2] », et par l’enchantement de l’interprétation de l’inconscient ? Concernant celle-ci, dans une analyse, il se trouve justement que l’inconscient n’est pas assujetti à l’interprétation, mais bien plutôt qu’il est le vrai maître de l’interprétation. Cette trouvaille nous conduit à envisager le sujet en analyse, non pas en tant qu’être parlant, mais comme un poème, et comme tel, issu d’une écriture.

Ceci étant, poursuivons la lecture de ce paragraphe : « Une psychanalyse accomplit sur le poème subjectif une sorte d’analyse textuelle qui a pour effet de soustraire l’élément pathétique afin de dégager l’élément logique. » Le chemin d’une analyse est pavé par une lecture attentive qui enlève du sujet l’élément pathétique et focalise l’analyse sur l’élément logique. Si l’on revient à la notion de réduction subjective, nous pouvons dire que le dégagement de l’élément logique ne veut pas dire que le sujet est réduit à la logique, mais que sa rencontre avec l’os d’une cure est abordée par l’élément logique et non pas par le pathos.

[1]. Miller J.-A., L’Os d’une cure, Paris, Navarin, 2019, p. 19.

[2]. Ibid., p. 21.