Marge de manœuvre : la trouver, s’en saisir

Dans l’après-coup de la 1ère Conversation du mercredi 10 octobre 2018 à Paris : « Psychanalyse et psychiatrie : état des lieux »…

 

Marge de manœuvre : la trouver, s’en saisir

Par Florence Hautecoeur

Nombreux sont ceux, pourtant animés par le désir de travailler en psychiatrie, à dresser un sombre constat sur l’état de la psychiatrie aujourd’hui. Soignants, médias et politiques finissent alors par partager la même vision d’une psychiatrie agonisante, honteuse et dépourvue de moyens.

Dans les services, parmi les psychiatres, mais aussi parmi les équipes, « L’Autre sans visage de l’administration », selon l’expression de Guy Briole, devient le référent unique pour expliquer toutes les impasses, les empêchements et les souffrances de la psychiatrie et du corps soignant, psychiatres compris. Beaucoup s’entendent à dénoncer la multiplication des protocoles, des recommandations et desdites bonnes pratiques qui prennent le pas sur la clinique et les commandes de la psychiatrie.

Comment prendre à rebours cette plainte et l’interpréter, sinon en renvoyant chacun à sa propre responsabilité ?

D’un côté, la subversion du psychiatre et de la psychiatrie par la science, l’économie ou le pouvoir dont on croit user, mais que l’on finit, à son insu, par servir. De l’autre, la responsabilité de chaque clinicien orienté par la psychanalyse : ne pas renoncer et ne pas céder sur son désir. Celui de faire valoir une clinique du sujet et du transfert, celui d’ouvrir une brèche à la parole et à sa force subversive, celui de faire entendre au plus près du terrain la singularité de chaque patient. Ne pas renoncer c’est aussi pouvoir convaincre, pas tant du haut d’une chaire ou dans un ministère que chaque jour auprès des équipes, des psychiatres et des administratifs, de la valeur et des effets de notre orientation.

A ceux, nombreux, venus le 10 octobre dernier, s’interrogeant sur la psychiatrie et la place que peut et pourra y trouver la psychanalyse, Jean-Daniel Matet a offert en conclusion de son propre trajet, singulier et incarné : « Les occasions se sont présentées et je les ai saisies. Les mêmes opportunités ne se reproduisent pas, mais d’autres se présentent et se présenteront, il faudra pouvoir les saisir. Renoncer à occuper les places les plus prestigieuses, mais ne pas renoncer à ce que soutient son désir. »

La marge de manœuvre existe et l’orientation lacanienne est une boussole clinique, éthique et politique, il s’agit donc de la trouver et de la saisir, avec le goût du terrain plus que celui du pouvoir.