Psychanalyse et Littérature

Compte rendu séance du
6 Avril 2016

Revenant en 1971 dans « Lituraterre » sur le symptôme freudien interprétable du fait d’être comme un langage « dont la parole doit être délivrée » (1), J. Lacan réinterroge le symptôme au regard de l’écrit dans son rapport au signifiant et à la Lettre.

« […] l’écrit qui se fabrique du langage pourrait peut-être être matériel de force à ce qui s’y changent nos propos. » (2)

La lettre conçue par J. Lacan comme un bord entre le savoir et la jouissance, ne les séparant pas et opérant, non pas entre un intérieur et un extérieur du sujet, mais à l’intérieur même du sujet, est ici centrale à cette question.

Repérant dans la littérature surréaliste de son époque l’usage de la cassure du discours commun sans usage véritable de la Lettre et dans la littérature scientifique un usage de la Lettre dont le rejet radical de l’effet de jouissance de cette lettre entraine un retour de cette jouissance dans l’accumulation de déchets polluants, J. Lacan affirme que l’écrit est ce ravinement même qui, raturant le signifiant, produit à la fois un trou dans le savoir et une Lettre. Cette opération de césure du signifiant par l’écrit fait surgir une énigmatique jouissance qu’une Lettre met en évidence. Cette Lettre détachée du signifiant et s’en distinguant radicalement est liée à un refoulé qui reste à déchiffrer. Une vérité a été refoulée et revient sous la forme d’une Lettre qui n’a pas de sens, qui est détachée du signifié, qui n’est pas à lire. A cette Lettre est associée une jouissance qui reste un hors-sens énigmatique.

Ainsi, en 1971 avec « Lituraterre », J. Lacan prolonge et renouvèle la conception du symptôme freudien comme formation de l’inconscient structuré comme un langage et précisément comme répondant à l’opération métaphorique qui introduit un saut, un trou, dans la contigüité des signifiant pour produire un sens. Détachant la Lettre du signifiant, il fait de la Lettre ce qui conjoint par un bord le signifiant et la jouissance, le savoir et la jouissance et éclaire autrement la structure du symptôme. En elle-même, la Lettre a la structure du symptome au titre «  […] de ce qui du langage appelle le littoral au littéral. » (3)

« Reste à savoir comment l’inconscient que je dis être effet de langage, de ce qu’il en suppose la structure comme nécessaire et suffisant, commande cette fonction de la lettre. » (4)

C’est cette question, qui intéresse la pratique de la psychanalyse et l’usage de la Lettre dans la Littérature, que nous continuerons à déplier le Mercredi 11 Mai 2016.

Marie-Christine Baillehache

(1) – J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage », 1953, « Ecrits », Ed. Seuil, 1966, p. 269.
(2) – J. Lacan, « Lituraterre », 1971, « Autres écrits », Ed. Seuil, 2001, p. 18.
(3) – J. Lacan, Idem, p. 14.
(4) – J. Lacan, Idem, p. 14.

Prochaine rencontre
mercredi 11 mai 2016

Zao Wou Ki peint dans son atelier parisien.
Extrait du film Zao Wou Ki, Lumière et couleurs sans limite