Quand Madame Mao rencontre Eva Braun

 

Soirée préparatoire vers les 49es Journées de l’ECF « Femmes en psychanalyse », mardi 22 octobre à 20h, à la Maison de l’Amérique Latine 217, Bld. Saint-Germain, à Paris

Par Florence M.-Forsythe, comédienne, metteure en scène, auteure, productrice à France-Culture, et Carol-Ann Willering, auteur dramatique, scénariste, metteure en scène, artiste plasticienne.

Avec Florence M.-Forsythe, Laure Guizerix, comédienne, Sylvia Lipa-Lacarrière, comédienne et déléguée artistique de l’association d’amis de Jacques-Lacarrière.

Rencontre animée par Francesca Biagi-Chai et Beatriz Gonzalez-Renou, psychanalystes membres de l’ECF.

Ce travail a été initié par le désir d’explorer théâtralement ce qu’être une femme signifie, dans ses multiples occurrences, que ce soit dans le passé ou dans le présent. Sans préjuger de ce qu’elle pourrait être dans l’avenir. Femmes de théâtre, nous avons été confrontées, tout au long de notre parcours, à de multiples figures féminines de l’histoire du théâtre, depuis les textes de la Grèce antique jusqu’aux personnages du registre contemporain. Ce voyage dans les grands textes dramatiques s’accompagne forcément d’une traversée de la place des femmes dans l’Histoire et dans les différentes civilisations. L’écriture théâtrale fut majoritairement le fait d’auteurs masculins et de ce fait, la place des femmes dans leurs pièces, souvent réduite à des figures stéréotypiques, entre la mère, l’épouse, la maitresse, la fille, la veuve, la vierge, la pute, la muse, la sainte, la garce, etc.

Pour ce travail, nous avons donc voulu sortir des textes dramatiques et des rôles traditionnellement dévolus aux femmes, au théâtre, et nous intéresser à des femmes ayant réellement existé, ayant tenu une place particulière dans l’Histoire et à leur donner véritablement la parole, en s’appuyant sur leurs écrits, correspondances, sur des témoignages, sur toutes sortes de documents historiques, etc. Notre démarche a été ensuite de nous approprier leur langage, leur logique, sans interprétation ni jugement, mais à la manière dont on procède au théâtre pour entrer dans la peau d’un personnage, comprendre sa langue et sa logique personnelle, son background, sa vision pour devenir, incarner ce personnage sur la scène.

Pour le premier opus de cette série, nous nous sommes intéressées aux femmes de dictateurs. Pourquoi les femmes de dictateurs ? Parce qu’à notre connaissance, il n’existe pas de femme dictateur. Bien sûr, dans l’histoire, il y a eu des femmes qui ont régné, parfois d’une main de fer, mais elles étaient arrivées au pouvoir par leur naissance, mises sur le trône par des royauté de droit divin, soit qu’elles en étaient les seules héritières, soit par veuvage. Serait-ce alors parce que la dictature est l’émanation d’une soif de pouvoir qui procède exclusivement du masculin ? Mais qu’en est-il alors des épouses de ces hommes ? Comment devient-on femme de dictateur, quelle place ont-elles dans le régime mis en place par leur mari et comment le vivent-elles, jusqu’à quel point ces femmes sont-elles ou non complices de leurs époux et de leurs crimes ? Il existe une multitude de témoignages, d’interviews, de documents historiques, d’images d’archives sur ces femmes de dictateurs qui, pour la plupart, ont vécu au 20e siècle et dont certaines vivent encore aujourd’hui et continuent à s’exprimer sur les médias, y compris sociaux, à l’instar d’Imelda Marcos et de Michèle Bennett Duvalier.

Ce premier opus a été présenté à plusieurs reprises dans des médiathèques, toujours suivis par des échanges et discussions avec le public. Ce qui est apparu au cours de ces échanges, c’est que les spectateurs avaient eu le sentiment d’être entrés dans l’intimité de ces femmes, dans leur vérité. Le voyage qu’ils avaient fait, en compagnie de ces femmes, les interrogeait, les bousculait. Et c’est là aussi l’objet de notre recherche et de notre démarche théâtrale, sortir du divertissement, tel que le théâtre aujourd’hui est trop souvent pratiqué ou réduit, pour retrouver sa dimension universelle et cathartique.

Florence M.-Forsythe et Carol-Ann Willering