ÉDITO DECEMBRE 2023
PARISLEAKS DECEMBRE 2023
Chers membres et abonnés,
Notre mandat arrive à sa fin et nous sommes très heureux d’avoir partagé ces deux années avec vous. Cette période a connu le retour des activités en présentiel, ce qui a permis à nos activités une grande fréquentation et des échanges vifs et enseignants.
Que l’équipe du bureau soit ici remerciée : Guillaume Libert, trésorier, Serena Guttadauro-Landriscini, secrétaire et Soledad Penafiel, déléguée aux cartels. Je remercie également les responsables des vecteurs et l’équipe de relecture, qui n’ont pas ménagé leurs efforts en direction de la psychanalyse. Un mot aussi pour notre Web Master, notre comptable et notre graphiste, qui nous ont accompagnés durant cette mission.
La journée « Les nouveaux symptômes du numérique » a eu lieu dans une ambiance à la fois enseignante et joyeuse. Des invités de différentes disciplines, la littérature, la linguistique, la radio, la psychanalyse, l’informatique et les plateformes de rencontres nous ont éclairés sur les nouveaux enjeux de l’informatique.
Quelle attitude prendre face à ce véritable tsunami qui déferle déjà sur nos rivages informatiques ? Résister ne ferait qu’augmenter notre désarroi. S’y plier aveuglément, nous ôter notre condition humaine.
« L’avenir de la psychanalyse, disait Lacan dans La troisième, est quelque chose qui dépend de ce qu’il adviendra de ce réel, à savoir si les gadgets, par exemple, gagneront vraiment la main, si nous arriverons à devenir nous-mêmes animés vraiment par les gadgets. Je dois dire que ça me paraît peu probable. Nous n’arriverons pas vraiment à faire que le gadget ne soit pas un symptôme, car il l’est pour l’instant tout à fait évidemment. Il est bien certain qu’on a une automobile comme on a une fausse femme ; on tient absolument à ce que ce soit un phallus, mais ça n’a de rapport avec le phallus que du fait que c’est le phallus qui nous empêche d’avoir un rapport avec quelque chose qui serait notre répondant sexuel » [1].
L’objet technologique et par extension numérique est – comme l’illustrent des films comme Her – un substitut du rapport entre l’homme et la femme. C’est une façon de contourner, parfois de faire obstacle au rapport à l’Autre sexe. Ne nous leurrons pas : ni technophobes ni technophiles, les psychanalystes sont là pour rappeler qu’aucun gadget ne viendra suppléer le rapport à l’Autre. Encore un effort et nous ne deviendrons pas le cadeau pour l’anniversaire de la montre, comme le disait Cortázar.
Nous donnons la bienvenue à l’équipe suivante et nous leur souhaitons un travail fructueux !
Lectures freudiennes :
Nous nous sommes réunis le 7 novembre pour continuer de lire et traduire l’article de Freud : « Un enfant est battu » rédigé en 1919, le produit pourrait-on dire de l’analyse entreprise avec sa fille Anna.
Dans ce paragraphe Freud articule le premier temps du fantasme « d’être battu » à la jalousie radicale envers le « petit dernier », objet de dilection des parents suivant cette logique : « le père bat cet enfant qu’il n’aime pas, il n’aime que moi / Der Vater liebt dieses andere Kind nicht, er liebt nur mich ». Ce fantasme est « fortement soutenu » par la vie amoureuse et sexuelle de l’enfant, mais Freud fait cette remarquable mise en garde : plus vous chercherez une supposée origine des pulsions sadiques et sexuelles, plus les contours de vos avancées seront flous, tel un objet topologique.
Nous nous sommes retrouvés le mercredi 6 décembre chez Susanne Hommel. Contact : lectures-freudiennes@enversdeparis.org
Seminario Latino :
Freud, dans un texte de 1919, « Les nouvelles voies de la thérapeutique psychanalytique » [2], évoque le travail des psychanalystes en institution comme « une situation qui appartient au domaine de l’avenir ». Lacan, dans son « Acte de fondation »[3], met en exergue la psychanalyse pure et la psychanalyse appliquée à la thérapeutique. Dans ce sens, à partir de deux concepts fondamentaux de la praxis analytique, interprétation et acte, nous interrogerons comment une institution peut-elle être traversée par la psychanalyse ? Et aussi ce que la psychanalyse pure enseigne à la psychanalyse appliquée et vice-versa. Trois collègues nous parleront de leurs pratiques institutionnelles et du nouage de l’intension et l’extension en psychanalyse. L’extime invité est Éric Zuliani, président de l’École de la Cause freudienne.
Cette soirée aura lieu le mercredi 20 décembre à 21h00 à la Maison de l’Amérique Latine (217, Bd Saint Germain, 75007 Paris). Soirée en présentiel et en français. Pas d’inscription requise. Entrée libre.
Contact : seminario-latino-de-paris@enversdeparis.org
Lectures cliniques :
Réunis le 11 novembre, nous avons travaillé ensemble la première partie de l’article de Sigmund Freud “Pour introduire le narcissisme” par lequel il répond à C.-G. Jung et E. Bleuler concernant l’importance fondamentale de la libido tant dans les névroses que dans les psychoses. La discussion suscitée par le questionnement théorique présenté par Cathi Abril Bosch était très animée, riche et nuancée.
Le cas clinique que nous a exposé Etienne Benoist s’est démarqué par son aspect contemporain et rejoint le sujet des « Nouveaux symptômes du numérique ». Comment les avatars numériques rejouent le stade de miroir, en donnant au sujet, pris dans un morcellement corporel, une identité qui le représente dans la société, tout en le maintenant en retrait ? Comment ne pas être totalement englouti par l’espace virtuel et ne pas laisser tomber son propre corps? De quelle manière la psychanalyse peut aider un sujet à s’incarner en lui-même et à éclore dans la vie ?
Pour discuter ce cas, les allers-retours avec le texte de S. Freud étaient incessants et extrêmement riches.
Contact : clinique-lacan@enversdeparis.org
Théâtre et Psychanalyse :
Le collectif Théâtre et psychanalyse vous propose de débuter cette année avec une pièce de Tiphaine Raffier aux ateliers Berthier le dimanche 14 janvier à 15h : « La réponse des hommes ». Le spectacle confronte les injonctions des Œuvres de miséricorde à la réalité de notre monde contemporain.
La rencontre sera suivie par un débat avec Tiphaine Raffier et Philippe Benichou, animé par Hélène de La Bouillerie.
Vous pouvez déjà réserver vos places en écrivant un mail à :
theatreetpsychanalyse@gmail.com (prix préférentiel de 29€)
Contact : theatre@enversdeparis.org
Vecteur Psychanalyse et Littérature :
Pour continuer à démontrer avec plus de précision et de rigueur encore les enjeux structuraux de la nécessité d’écrire de Camille Laurens, le vecteur étudiera dans les mois à venir son ouvrage La trilogie des mots qui rassemble trois de ses écrits : Quelques uns, Le grain des mots, Tissé par mille. Elle s’y explique sur son goût énigmatique mais vital des mots et sur son désir de les saisir comme le fait « la main qui s’avance pour atteindre le fruit quand il est mûr, pour attirer la rose qui s’est ouverte, pour attiser la buche qui s’allume soudain. » [4] Elle y déplie ce que son ancrage dans l’Autre du signifiant doit à un objet cause de désir à la fois, engageant à la fois une satisfaction de son corps propre et mettant également en jeu son sentiment d’existence. « Car les mots ont une voix, ils ont un grain – comme on dit le grain de la peau, bien sûr, mais aussi, au fond, comme on parle des fous, des marginaux : chaque mot est un original, une pièce unique. La lecture consiste donc à palper ce grain, à entendre cette voix ».[5]
Lors de sa réunion Zoom du 12 décembre à 20h, Marie-Christine Baillehache présentera son travail sur Quelques uns et s’attachera à dégager la logique de ce que C. Laurens y soutient en prenant appui sur S. Beckett : « J’aime les mots, je les ai toujours aimés. […] les mots m’aiment, je le sais »[6].
Si, orienté par Lacan et J.-A. Miller, vous désirez vous mettre au travail de la psychanalyse à partir de ce que l’artiste nous enseigne et vous joindre à notre recherche et à ses avancées pas à pas, vous êtes les bienvenus.
Contact : litterature@enversdeparis.org
Le corps pas sans la psychanalyse :
Après avoir accueilli Isabelle Lebihan, nouvelle venue dans notre vecteur, nous avons discuté un texte intitulé « Un motérialisme du style » proposé par Guido Reyna, s’appuyant d’une part sur une lecture de « Lituraterre » et d’autre part sur différents cas rencontrés dans ses activités. Il tentait ainsi de situer une articulation du rapport du corps à la lettre, comme « raison de l’inconscient »[7].
Nous continuerons cette réflexion lors de notre prochaine réunion du mardi 20 décembre à 20h30 (à Cachan) à partir d’un cas rapporté par Martine Bottin.
Contact : corpsy@enversdeparis.org
Bonnes fêtes à tous et très bon travail,
Dalila Arpin
Directrice de l’Envers de Paris
[2] Freud S., « Les nouvelles voies de la thérapeutique psychanalytique » (1919), La technique psychanalytique, PUF, 1953.
[3] Lacan J., « Acte de fondation » (1964), Autres écrits, Paris, Seuil, 2001.
[4] Lacan J., Le séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, La Martinière/Le Champ freudien éd., Coll. Cham Freudien, 2013, p. 66.
[5] Laurens C., La trilogie des mots, Paris, Gallimard, 2011, p. 18.
[6] Ibid., p. 26.
[7] Lacan J., « Lituraterre », Autre écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 13