LE DIREKTOR, de l’ironie à l’humour et plus…

LE DIREKTOR, de l’ironie à l’humour et plus…
Par René Fiori

Samedi 16 mars s’engageait une conversation entre Oscar Gomez Matta, le metteur en scène de la pièce de théâtre Le Direktor, d’après le film de Lars Von Trier, Direktøren for det hele, et Philippe Bénichou, Anne Ganivet Poumellec, membres de l’ECF, le public, et les acteurs présents dans la salle.

L’adaptation du film en pièce de théâtre fut là l’occasion d’un déplacement, celui de l’ironie en humour, déplacement voulu par le metteur en scène : comique situationnel, absurde, direct, et aussi «  la mauvaise blague qui ne fait rire que cinq personnes »  (Interview du metteur en scène, Théâtre de la Bastille) – Le débat fut l’occasion d’échanges sur l’implication d’aujourd’hui du salarié dans l’entreprise. Le discours du maître y est supporté par chacun jusqu’à la dépersonnalisation, la déshumanisation. L’index du passage à l’acte tragique n’était pas absent de la pièce, porté entre autres par le silence, le mutisme, d’une des actrices. Anne Ganivet Poumellec souligna que le dédoublement de la figure du direcktor, ressort du film devenu ressort comique principal de la pièce, pouvait renvoyer au réalisateur Lars Von Trier lui-même dans cette oscillation où le réalisateur doit diriger une équipe dans le même temps où il a souci de ne travailler qu’avec des gens qu’il aime. De même souligna-t-elle sur un autre plan, la théâtralité – nous dirons nous-mêmes aussi en l’accentuant, nonobstant les semblants supportant le lien social, la spectacularisation – qui a gagné le monde de l’entreprise et qui se prête bien à la transposition scénique. Nul parti de dénonciation dans cette pièce mais, comme l’a dit Philippe Bénichou, celui de faire jouer la partie du « désir contre l’horreur ». Tout ce qui, de la personne en propre, est jugulé dans le monde étanche de la production de plus-value, se renverse ici en « débordement », amalgamant l’actualisation des fantasmes et lien social.

Le terme d’enfant utilisé par le metteur en scène pour qualifier le jeu comique des acteurs, nous renvoya aussi à sa distinction d’avec celui d’infantilisation, cette dernière voulue par le maître, et où la désinhibition n’est pas au service du jeu autonome du sujet mais, au contraire, commande sa destitution. Pesanteur d’un monde de contrats et de protocoles comme le rappela Anne Poumellec, en lieu et place de l’apesanteur ludique du désir.