LES SORCIERES DE SALEM…

« Là où le mensonge prolifère, La tyrannie s’annonce ou se perpétue » (1) Par Célia Breton

Le fait même que l’homme parle lui rend possible le mensonge, atteste Jacques Lacan en 1960 [2]. Sept ans plus tôt, Arthur Miller offrait au grand public Les Sorcières de Salem, pièce en quatre actes dont la sombre allégorie du maccarthysme résonna à grand bruit dans la société américaine de l’époque. Reprenant le procès de sorcellerie marquant du 17e siècle, A. Miller en propose une version qui n’est pas celle du commentaire ou de l’interprétation.  Grâce à son usage de la reconstitution des énoncés, dans leur multiplicité et dans le chaos qui les constitue, il rend palpable la contamination sociale des effets imaginaires. Il laisse ainsi le soin au lecteur d’y entendre l’envers des effets de fascination et de contagion qui font le lit de nos croyances.

La découverte de maux inexpliqués chez plusieurs jeunes filles surprises dans une danse aux allures incantatoires convoque la pudeur de l’époque. À quoi, mais surtout à qui, se livrent-elles dans le secret de la nuit ? C’est au préalable sur fond de reddition du savoir que s’ouvre l’acte premier, témoignant de l’impuissance de la science médicale à l’égard de cette fantasmagorie féminine. À la défaite du supposé-savoir triomphe alors la propagation de vérités tout aussi impuissantes à dire le vrai, mais promptes à devenir objets de suppositions, de dénonciations et de condamnations.  A. Miller nous entraîne avec force dans cette quête de sens nous laissant face à cette seule question : « de quoi est-on sûr, à présent ? ». À cela, le législateur, toujours si tyrannique dans ses accents surmoïques, trouvera fidèlement à y répondre à défaut d’extraire les aveux de vérités de ces corps exilés du savoir et de ses supposés.  C’est à ces questions, et à « cette histoire qui peut très bien être la vérité » qu’Emmanuel Demarcy-Mota choisit d’offrir une nouvelle énonciation, celle de l’interprétation théâtrale.

L’Envers de Paris organise un débat le 16 avril, à l’issue de la représentation, avec Emmanuel Demarcy-Mota et François Regnault, débat animé par Philippe Benichou.

(1) Albert Camus, Actuelles II.

(2) 1960-03-09 CONFERENCE DE BRUXELLES SUR L’ETHIQUE DE LA PSYCHANALYSE.