Vecteur
Théâtre et Psychanalyse
Madame Klein
de Nicolas Wright
Mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman
traduction de François Regnault
Publiée au Champ freudien, et traduite par François Regnault à l’invitation de Brigitte Jaques-Wajeman, la pièce de Nicholas Wright, Mme Klein, est un passionnant huis-clos. Trois femmes, trois analystes, Mélanie Klein, Melitta Schmideberg, sa fille, et Paula Heimann, une élève, sont réunies un jour et une nuit. La mère et la fille s’affrontent avec une grande violence autour d’une cause, celle de la mort mystérieuse du fils de Mélanie Klein. Il y est question de mère, de deuil, de haine et de combat pour le savoir, hommes et pères comptant bien peu pour ces femmes. Éric Laurent, dans sa postface indiquait que la thèse exposée par l’auteur, c’est que “la société des femmes n‘est possible qu’avec la psychanalyse, en se passant alors du père”. Il sera avec Brigitte Jaques-Wajeman et François Regnault sur la scène du Théâtre des Abbesses pour ce rendez-vous exceptionnel de l’Envers de Paris, le 15 octobre. Ne tardez pas à réserver.
Philippe Benichou
Publiée au Champ freudien, et traduite par François Regnault à l’invitation de Brigitte Jaques-Wajeman, la pièce de Nicholas Wright, Mme Klein, est un passionnant huis-clos. Trois femmes, trois analystes, Mélanie Klein, Melitta Schmideberg, sa fille, et Paula Heimann, une élève, sont réunies un jour et une nuit. La mère et la fille s’affrontent avec une grande violence autour d’une cause, celle de la mort mystérieuse du fils de Mélanie Klein. Il y est question de mère, de deuil, de haine et de combat pour le savoir, hommes et pères comptant bien peu pour ces femmes. Éric Laurent, dans sa postface indiquait que la thèse exposée par l’auteur, c’est que “la société des femmes n‘est possible qu’avec la psychanalyse, en se passant alors du père”. Il sera avec Brigitte Jaques-Wajeman et François Regnault sur la scène du Théâtre des Abbesses pour ce rendez-vous exceptionnel de l’Envers de Paris, le 15 octobre. Ne tardez pas à réserver.
Philippe Benichou
Réservation
Les réservations par l’Envers de Paris sont closes. Vous pouvez néanmoins vous adresser au Théâtre des ABBESSES
Théâtre des Abesses
31 rue des Abesses
Paris 18
Ravage kleinien
par Marie-Christine Baillehache
Madame Klein , la pièce en deux actes de Nicolas Wright met en scène trois femmes, la mort du fils, des pères absents et disqualifiés et la psychanalyse kleinienne. Alors que la mère apprend la mort de son fils dans des circonstances mystérieuses, sa fille lui adresse une lettre dans laquelle elle l’accuse d’avoir poussé ce fils au suicide. A réception de la lettre de sa fille, la mère, ne doutant pas que celle-ci est une « boite de pandore » renfermant « une foule de haines innommables »[1], ne la lit pas ; repoussant à plus tard, mais sans pouvoir l’éviter, le moment de vérité de sa rencontre avec sa fille. Lorsque cette rencontre entre la mère, Me Klein, et sa fille, Melitta, a lieu, elle les confronte toutes deux à un duel mortifère et déréglé. L’une comme l’autre se déchirent avec passion jusqu’à atteindre cette haine où le déchainement des puissances imaginaires défait l’ordonnancement symbolique des places de chacune. L’insulte fuse : Melitta à Me klein : « Chienne, c’est toi qui l’a tué ! »[2] ; Me Klein à Melitta : « Espèce d’empoisonneuse »[3]. Et l’accusation frappe sauvagement : Melitta à Me klein : « Il y a des mères mauvaises, des mères qui sont totalement mauvaises, et tu es de celle-là. »[4] ; Me Klein à Melitta : « Tu veux dire que tu me hais purement et simplement. »[5] Au terme de leurs déchirements haineux, mère et fille se retrouvent irrémédiablement seules et coupables. La fille part pour ne plus revenir : « J’attends le matin, pour voir l’effet que ça va faire, sans. […] sans ma mère. Si tout va bien, pas trop mal, si je peux éviter les rasoirs dans la baignoire … »[6]. La mère consent à son tourment le plus intime : « Des larmes vraies. Mes barrières ont enfin cédé. […]Ma faute reste la même. Et mon désir de réparer mes torts. »[7]
Avec Madame klein, Nicolas Wright nous fait entrer de plein pieds dans le ravage qui touche également la mère et la fille. Ce ravage, Lacan nous enseigne qu’il renvoie, l’une et l’autre, à l’énigme que toute femme est pour elle-même. Face au manque de l’Autre maternel, la fille réclame ce que la mère ne peut lui donner : qu’elle soit toute Autre et en même temps fasse exister son corps. Le silence structural de l’Autre et le désir maternel lourd d’un réel impossible à nommer laissent la fille désœuvrée, ne sachant que faire face à l’énigme qu’elle reste pour elle-même. Entre mère et fille, ce qui fait ravage est ce point d’énigme qui touche l’une et l’autre. Il arrive que la haine s’installe alors entre elles deux, irrésorbable.
En faisant de la mère, la psychanalyste Mélanie Klein, et de la fille, la fille de Mélanie klein la psychanalyste Melitta Schmideberg, Nicolas Wright fait monter sur la scène du théâtre la question éthique et cruciale de l’histoire de la psychanalyse : l’énigmatique jouissance féminine. En 1934, au moment où se déroule la pièce, Freud, à l’appui de sa découverte du penisneid féminin en réponse à la castration, bute sur le « continent noir » de la féminité. Au même moment, Mélanie Klein rend amplement compte du lien puissamment imaginaire mère-fille où l’introjection, la projection, l’envie, la jalousie, la toute puissance maternelle et la pulsion de mort dominent sans médiation symbolique. Cette jouissance illimitée échappant à la castration, Mélanie Klein la met au centre de la sexualité féminine. Ce ravage, Lacan, en 1972, dans le prolongement de Freud, en fait une jouissance impossible à symboliser, et le réfère au « pas-tout ».
En prenant en compte ce « pas-tout [témoignant] de l’existence d’un sujet à dire que non à la fonction phallique »[8] et en le faisant monter sur la scène du théâtre, non seulement Nicolas Wright lui oppose la barrière d’un dire et d’un masque de théâtre, mais aussi il invite chaque spectateur à faire l’expérience d’un réel nocif et à inventer sa réponse singulière de sujet.
[1] Nicolas Wright, « Madame Klein », 1991, Ed. Seuil, 1991, p. 39.
[2] Idem, p. 48.
[3] Idem, p. 86.
[4] Idem, p. 80.
[5] Idem, p. 89.
[6] Idem, p. 92.
[7] Idem, p. 98.
[8] J. Lacan, « L’étourdit », 1972, « Autres écrits », Ed. Seuil, 2001, p. 465.