Mutation du religieux ou Retour du religieux …

Vecteur
Psychanalyse et Littérature
Marie-Christine Baillehache

Compte rendu de la séance du
12 octobre 2016

Dans son ouvrage « La Sainte ignorance », O. Roy soutient la thèse que notre siècle ne connait pas un « retour » du religieux mais une « mutation »[1] de celui-ci sous l’effet de la mondialisation et au profit d’une « foi sans culture »[2], d’un « pur religieux »[3] qui refuse « d’être réduit à un système symbolique parmi d’autres »[4].

Selon O. Roy, c’est à la suite des colonialismes du 19° Siècle, que la mondialisation économique du système politico-économique capitaliste lié aux avancées technologiques de la science a conséquemment séparé le religieux et le culturel. Cette séparation débouche sur « l’exception religieuse »[5], soit sur « la religion qui refuse d’être un simple système de croyances parmi d’autres, parce qu’elle affirme être ou dire la vérité. Ces religions se considèrent porteuses d’un message universel, transcendant les cultures : pour elles, la foi n’est pas une simple croyance ou un conformisme social. Elles affirment un rapport à la vérité qui n’entre pas dans la catégorie de la culture, car la foi pose une vérité au-delà du rapport culturel. »[6]

Cette foi sans culture est pour O. Roy « une figure de ce qu’on appelle le fanatisme. »[7] Ce fanatisme, il le fait reposer sur l’ignorance, par le nouveau religieux, de la portée politique de sa position qui soutient « un discours sur la vertu des dirigeants et des citoyens, et donc sur la présomption de la non-vertu des opposants, rejetés dans un statut de mécréants (ce phénomène d’exclusion de l’autre au nom de la pureté se retrouve dans les idéologies révolutionnaires : pureté de classe ou pureté de race). »[8] Cette ignorance de sa propre portée politique par les sociétés du « pur religieux » est un refus fondamental des dissidences, des marges, des déviances, des altérités comportant l’exclusion et la réduction de toutes les formes symptomatiques singulières. Elle entraine le doute, le soupçon et donc la peur. « Le monde, c’est-à-dire la société ambiante, devient suspect, menaçant, polluant, car il est hostile, matérialiste, impur, en un mot : païen. »[9]

Toute la thèse d’O. Roy, sur la « mutation » du religieux dans la continuité du colonialisme et sous l’effet de la mondialisation du capitalisme et de la science, repose sur l’ignorance du « lien entre marqueurs religieux et marqueurs culturels (lien qui était déjà mobile). »[10] Ainsi, la décontextualisation d’internet transforme-t-elle chaque message localisé en un pur symbole indifférencié et interprété par d’autres normes, notamment néo fondamentalistes. Parce que le marché mondial comprend un affaiblissement des contraintes sociales et rend l’homme libre de ses choix, il transforme le religieux en absolu.

Pour O. Roy, la mondialisation est moins un discours qu’une séparation des discours qui écrase les religions incarnées dans une culture locale. Celle-ci entraine soit un isolement communautaire de l’entre-soi (les Amish, les juifs orthodoxes, les vieux catholiques, …) ; soit une universalisation absolu du religieux qu’O. Roy nomme « la sainte ignorance » ou « la religion sans culture ».

Dans son article paru dans « Le Monde » du 13 Octobre, O. Roy qualifie de sectaire cette « mutation »  contemporaine du religieux et propose la solution « d’un islam apaisé et enraciné ». « C’est pour cela qu’au lieu de chasser encore plus le religieux de l’espace public, ce qui revient à le laisser aux mains de radicaux, il faut au contraire organiser et réguler, selon la loi de 1905, la pratique religieuse (le culte) dans l’espace publique. »

Lors de notre réunion du Mercredi 9 Novembre, à 20h à l’hôtel-opéra-Saint-Lazare, nous mettrons en tension la position religieuse d’O. Roy avec « le retour du religieux » selon Lacan.

Marie-Christine Baillehache

[1] O. Roy, « La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture. », 2008, Ed. Seuil 2008, P. 21.
[2] Idem, p.70.
[3] Idem, p. 20.
[4] Idem, p. 25.
[5] Idem, p. 57.
[6] Idem, p. 57.
[7] Idem, p. 70.
[8] Idem, p. 195.
[9] Idem, p. 215.
[10] Idem, p. 263.

Prochaine rencontre
mercredi 9 novembre 2016

à 20h
Hôtel Hilton Paris Opéra