Psychanalyse et Littérature

Abordant la question de la « rature » et poursuivant son « vol sur la Lettre », J. Lacan fait correspondre les signifiants à des nuages dont la rupture provoque un ruissellement de Lettres et de Jouissance. Cette opération a trois conséquences :

1 – la première est de faire trou dans le signifiant, trou dans le sens. Ce trou est une trace qui souligne une énigme sans rien signifier.

2 – la deuxième est d’effacer ce trou en le remplissant d’eau, c’est-à-dire de faire de cette trace énigmatique un godet qui se remplit de jouissance.

3 – la troisième est de rattacher cette trace de pure jouissance sans signifié au langage en tant que tel. Cette dimension du langage, J. Lacan en fait du savoir réduit à son noyau et il l’écrit : S1.

La Lettre est ce littorale entre ces deux hétérogénéités que sont le savoir et la jouissance. Ce littoral est ce qui dans le sujet se joue en permanence entre le sens-savoir-langage et la jouissance.

Comme le souligne J. Lacan, si pour la psychanalyse, la lettre fait littoral entre le Symbolique et le Réel, pour la science, l’usage de la lettre évacue la jouissance. La science élucide le réel en excluant la jouissance et en produisant de l’immonde, du déchet.

C’est en se référant au poème d’Apollinaire « Sous le pont Mirabeau », où coule la Seine, que J. Lacan représente cette opposition radicale entre la science et la psychanalyse dans leur conception de la fonction de la Lettre. En effet, sous ce pont, qui est un ouvrage résultant de travaux scientifiques et de leur maniement de la Lettre, coule « La Seine », c’est-à-dire cette « scène primitive » qui « est une scène telle qu’y peut battre le V romain de l’heure cinq (cf. l’homme aux loups) ». En faisant ainsi allusion au rêve du papillon de l’homme aux loups, dont les ailes écartées en V évoquent à ce dernier l’ouverture des jambes féminines, J. Lacan rattache la fonction de la Lettre à la castration comme trou dans le signifiant. En rappelant que face à cette « scène primitive », l’ « l’homme aux loups » se laisse aller à une jouissance de corps, J. Lacan fait de cette «scène » la conjonction du S1 et de l’objet a.

Philippe Ain
& Marie-Christine Baillehache