Un produit de vie
Retour par Ariane Chottin,
à propos de la soirée des psychologues freudiens avec Françoise Labridy
Rien ne vaut la vie que d’y impliquer le risque de la perdre
La soirée proposée le 11 mai dernier par les Psychologues Freudiens avec Françoise Labridy pour la parution de son livre Hors corps, actes sportifs et logique de l’inconscient, et animée par Luc Garcia fut mémorable à plus d’un titre.
Parler du sport avec Françoise c’est comme suivre la vibration d’une baguette de sourcier orientée par la psychanalyse qui, bien au-delà des discours médiatiques qui méconnaissent ou écrasent cette pratique complexe, cherche en profondeur ce que chaque sportif peut dire de ce qui a fait rencontre pour lui dans sa pratique – ce qui s’articule à un dépassement de soi, un franchissement des limites de l’organisme, pour chercher le cœur intime de sa jouissance. La conversation animée à grandes enjambées par Luc Garcia, nous a menés au travers d’épisodes de vies de grands sportifs et sportives à la rencontre de la place décisive des entraineurs, de l’expérience de la passion effrénée, de l’affrontement à l’énigme, au risque, au vide, aux accidents, à la logique du manque, à la dialectique gagner/perdre.
Françoise a éclairé ces trajets à partir de Lacan en relevant pour chacun de ces sportifs “que rien ne vaut la vie que d’y impliquer le risque de la perdre ».
Si Françoise parle de son live comme d’un « produit de vie », comme d’un tissage qu’il lui est venu de reprendre entre sa vie et celle de son mari Louis Félix Labridy, sportif de haut niveau, entraineur d’athlètes et musicien, après sa mort, en 2012, cela s’entend. Car ce que Françoise Labridy nous a transmis ce soir-là ce sont des moments rares, vibrants, de son histoire, de son trajet en « ombre et lumière » ce sont ses mots – depuis son enfance dans l’après guerre, heurtée par le signifiant médical de rachitisme, à la rencontre fortuite des corps décharnés pris en masse, dans le film de Resnais Nuit et brouillard, depuis la découverte du mouvement et du sport, qui réenchante le corps vivant, à l’invention du faire couple avec l’homme qu’elle a choisi, qui incarnait pour elle “le mouvement juste et beau ».
“Nous ne savons pas ce que c’est que d’être vivant, sinon seulement ceci, qu’un corps cela se jouit. Cela ne se jouit que de le corporiser de façon signifiante » dit Lacan. Cette phrase que Françoise Labridy n’a cessé de tresser tout au long de sa carrière de professeur en STAPS au fil des rencontres, des lectures, de sa recherche, illumine cette tentative d’articulation entre sport et psychanalyse qui l’anime.
Nous avons quitté la salle de Montparnasse pris dans la joie que les éclats de ce trajet singulier et toujours en mouvement nous avaient passé, ce soir-là.
Arianne Chottin