C’est la rentrée des conversations !
C’est la rentrée des conversations « clinique et addictions » du TyA / Envers de Paris !
Dans l’après coup de la première soirée de l’enseignement de Pierre Sidon, « des dits-addicts », qui s’est tenue le 9 octobre 2018 à l’Ecole de la Cause auprès duquel le TyA a été invité et a participé activement, nous nous retrouvons le lundi 5 novembre pour une rentrée de nos conversations aux couleurs automnales.
Notre première conversation nous permettra d’échanger sur les thèmes de l’année, d’un point de vue clinique et théorique, comme nous apprécions de le faire à chacune de nos soirées. Les sujets déboussolés que nous rencontrons dans les institutions d’addictologie, dans les cabinets privés, ou à travers leurs œuvres artistiques, nous enseignent sur leur logique psychique. Si l’addiction a été une solution pour chaque sujet, nous nous attellerons cette année à chercher ce qui a permis une modification de son statut, ou de sa suppression. Quelles inventions ont été possibles pour chacun ? Suppléances, sinthomes, appareillages divers… Qu’est ce qui a permis un changement subjectif, une modification de jouissance ?
Au programme de cette première rencontre nous accueillons un premier cas clinique écrit par Pierre Sidon, et présenté par Jacqueline Janiaux. Nous inviterons ensuite chacun et chacune qui le souhaite à s’inscrire dans le programme de l’année.
Comme l’année précédente nous avons choisi de travailler autour de deux thèmes, en voici les arguments :
Addictions et psychiatrie
Stéphanie Lavigne
par Stéphanie Lavigne
« Un fou, c’est quand même quelque chose… ça résiste, voyez-vous, et qui n’est pas encore près de s’évanouir simplement en raison de la diffusion du traitement pharmacodynamique » Lacan, 10.11.67, inédit.
Pour cette année 2018-2019, nos conversations cliniques et théoriques s’orienteront également en lien avec le thème de travail de L’Envers de Paris : « La Psychiatrie, aujourd’hui et demain. Quelle place pour la psychanalyse ? »
Tout au long de nos cinq années de travail, nous nous sommes attachés à cerner la fonction qu’occupe la drogue pour tel sujet. Nous avons traité différentes questions : est-ce une jouissance, un symptôme, un objet au sens où le définit Jacques Lacan, un traitement de la jouissance ? Nous avons constaté que l’arrivée de sujets se nommant « addict à » n’était bien souvent qu’une autre formulation du « je suis toxicomane » : les patients que nous recevons ne sont pas hors tout discours : ils s’approprient les expressions de l’époque, telle : « être addict ». Nous pensons que les activités compulsives (dites addictions comportementales) ou les drogues sont des solutions que le sujet a trouvées. Mais des solutions face à quoi ? A la castration ? À l’impossible du rapport sexuel ? Ou bien un traitement afin de border une jouissance qui envahit le corps sans limite ?…
Finalement la question de la fonction du produit, ou de l’activité consommée, revient à s’interroger sur le statut de la solution trouvée pour chacun. C’est d’ailleurs souvent par ce biais que la structure psychique de nos patients est interrogée. La fonction de l’addiction, c’est ce que plusieurs d’entre nous tentent de faire entendre aux institutions psychiatriques. Nous ne sommes pas toujours entendus, celles-ci nous répondent très souvent : – « Son problème c’est la drogue », – « c’est une psychose toxique », – « c’est plutôt un patient pour vous, on n’a plus de place », ou encore – « je fais l’évaluation psychiatrique et j’initie le traitement, mais vous vous occupez du suivi », etc.
Il n’est d’ailleurs plus rare que des services de psychiatrie nous adressent des patients après une hospitalisation afin que nous les prenions totalement en charge. De même, il n’est plus rare que des patients refusent d’être suivi régulièrement en CMP, et demandent à s’inscrire uniquement dans un CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie). Ces Centres de soins seraient-ils devenus une annexe de la psychiatrie ?
Inventions singulières
Pierre Sidon
par Pierre Sidon
Si non seulement il y a « les psychoses ordinaires » (J.-A. Miller) – concept que nous avons abordé l’année passée au TyA-Envers de Paris – mais que, véritablement, « tout le monde est fou, c’est-à-dire délirant » (Lacan) alors qui aidera les sujets débordés et débordants dans le monde de demain ? La psychiatrie a déjà répondu : elle disparait progressivement. Mais si c’est une réponse, elle est donc plutôt en miroir : tentée de disparaître de n’avoir été que le reflet d’un moment de la civilisation. Il s’agira de savoir lequel. Mais de ce fait, elle ne constitue plus un recours que pour certains… un certain temps.
Dans ce contexte, on comprend mieux la montée du phénomène addiction : la consommation et les activités mises à disposition de l’individu contemporain constituent dès lors une solution là où la réponse par la parole fait défaut. La technique qui fournit ces solutions permet un renouvellement frénétique de ces gadgets, gadgets bien souvent présentés comme thérapeutiques. Ils sont toujours nouveaux, condition sine qua non pour attraper le désir, ils sont toujours un espoir, voire une prophétie et cet espoir est bien entendu toujours déçu. Les protocoles de prise en charge qui envahissent le soin en s’inspirant librement des théories cognitivistes en sont un des exemples. Loin d’être des solutions, ils sont donc des représentants de la maladie : la maladie de la civilisation, ses symptômes, les symptômes du rejet de la dimension humaine fondamentale : le rejet de la spécificité parlante du corps humain.
L’addictologie est fascinée par ces gadgets en se croyant scientifique parce qu’elle numérise l’humain. Elle risque ainsi de contribuer à la disparition de celui-ci là où il faut construire des appuis pour l’individu contemporain déboussolé.
Au contraire, nous savons que l’homme est nécessairement fou (Pascal) et que les prothèses chimiques ou autres lui sont un soulagement.
C’est pourquoi nous ne sommes pas « contre les drogues » (ni pour d’ailleurs), mais aux côtés des « drogués » et des « addicts » : lui, toi, moi, tout le monde.
Et nous nous interrogeons donc : quelles autres solutions que la consommation prête à porter pour l’individu contemporain ? Nous voyons bien monter la solution religieuse, et son efficacité serait à louer si elle ne conduisait à d’autres excès discutables. Le chemin est étroit entre les gadgets et la religion, entre capitalisme et radicalisme, entre le Un de l’addiction et le Un du fascisme qui monte. Elle est pourtant frayée par certains, cette voie. Pour l’année 2018-2019, nous voulons l’étudier, au cas par cas. Il s’agit des solution singulières inventées par des personnages certes remarquables, artistes, inventeurs, créateurs de toutes sortes affligés d’addictions diverses : quelque place ces consommations ont-elles occupée dans l’économie subjective de ces sujets ? Quels symptômes ont-elles contribué à appareiller ? Quelles autres solutions ont-ils trouvé ? Que sont devenues ces addictions ?
Pour le dire avec Lacan : quels sont les rapports entre le sinthome qu’ils ont été et les addictions qui les affligeaient ?
Et nous voulons faire valoir ces voies remarquables comme la voie à venir pour chacun.
Renseignements et inscriptions : addicta.org>
informations : Stéphanie Lavigne>