La présence n’est pas le fantasme d’un corps

La présence n’est pas le fantasme d’un corps

par Sophie Lac

À propos du film Ghost in the Shell 2 : Innocence de Mamoru Oshii [1].

En 2032, un cyborg (un humain greffé avec de la mécanique et de l’électronique) œuvrant pour le gouvernement au sein d’une police d’élite, Batou, ne peut se défaire du souvenir d’une femme, cyborg également, dont il est encore amoureux. Cette dernière, le major Motoko Kusanagi a disparu et va être dans le film le fil rouge en sous-texte des conversations que Batou va avoir avec Togusa, un humain policier.

En effet, tout au long du film il va être question de la nature humaine ou non de Kusanagi pour tenter de définir les sentiments que Batou ressent pour elle.

Une scène à la fin du film va venir en guise de réponse.

En effet, alors que Batou finit par résoudre son enquête sur une série de meurtres d’androïdes, il retrouve Kusanagi, sa chère aimée. Elle a pris chair cette fois dans le corps d’un robot rappelant les poupées de Hans Bellmer, cependant à la différence de ces dernières, elle habite ce corps et est dotée de la parole.

Autour d’eux, d’autres robots non corps-parlants, programmés par leurs concepteurs tentent de tuer Batou. Ces derniers, tout droit issus de représentations contemporaines du corps sexualisé sont vendus comme objets de jouissance sexuelle illimitée (sans fatigue, sans contraintes liées aux conditions humaines), habillés de traits féminins charmeurs, aux yeux verts émeraude et aux lèvres rouges pulpeuses. C’est la plastique qui fait l’artifice.

Une fois le danger écarté, Batou et Kusanagi vont échanger des paroles qui laissent entendre que Batou ne la comprend pas et qu’il en souffre, tout comme de son absence : « Penses-tu être dans le bonheur ? »

Ce à quoi elle va lui répondre qu’il s’agit d’une valeur qui la rend nostalgique, car elle ne pense plus à travers le monde des idées et qu’elle a choisi une voie avec moins d’attentes.

Puis elle ajoute :

« À chaque fois que tu te connecteras sur la toile (net), je serai là, à côté de toi. »

Cette phrase interpelle car elle situe l’enjeu de la présence non pas du côté de la figure humaine, de ce qui semble, paraît femme, mais plutôt du côté d’un désir de présence pour Batou. La toile devient dès lors support d’Éros pour lui, sans pour autant répondre à sa demande, et lieu d’incarnation pour Kusanagi.

Dans le film cette phrase va faire coupure. Là où les personnages philosophaient beaucoup sur la différence entre le corps et l’âme, le corps organique et l’esprit humain afin d’identifier et de définir à travers divers fantasmes l’objet d’amour de Batou : Kusanagi, cela va s’arrêter et laisser place au silence.

Quelque chose est tombé, a chuté.

 


[1] Ghost in the Shell 2 : Innocence de Mamoru Oshii, sorti en salle 1er décembre 2004.