Une vie de désir

parNathalie Menier

Ce dimanche 22 juin après-midi, parmi les rayonnages de la librairie Tschann et les tableaux de Fred Hommel, une petite foule se pressait pour accueillir la sortie de l’ouvrage de Mickaël Guyader : Suzanne Hommel : une vie de désir [1], une forme de biographie ou plutôt comment le sujet Suzanne Hommel traverse le siècle via l’art et la psychanalyse. L’Envers de Paris a souhaité organiser cet événement en présence de l’auteur et de Suzanne. Ce fut un moment chaleureux, beaucoup de collègues psychanalystes de notre champ dans l’assistance, témoignant du vif de la transmission de la psychanalyse lacanienne. L’enfance, le nazisme, l’arrivée en France, la rencontre avec Lacan, avec le peintre Fred Hommel, devenir psychanalyste, écrire, traduire Freud puis Thomas Bernhard, le théâtre… Autant de moments, de rencontres marquantes qu’aborde ce livre en tentant de concert une analogie, une démonstration sur la possibilité du pire devant la montée actuelle des extrêmes droite en Europe, un puissant désir de l’auteur de nous alerter.

Nous avons évoqué le remarquable ouvrage de Suzanne : L’histoire du sujet dans l’Histoire du siècle : lectures de textes, lectures de cures avec Freud et Lacan dans lequel elle commente l’aphorisme : Wo Es war, soll Ich werden d’abord avec Freud [2] comme métaphore du travail de civilisation qu’est l’analyse de l’inconscient, puis avec Lacan au fil de son enseignement. Suzanne reprend parmi d’autres cette citation du Séminaire IX où Lacan appelle non pas à « déloger le ça » (via la traduction de la SPP) mais : « à se loger dans sa loque [3] ». Tout au long de son travail Lacan remettra cet aphorisme sur le métier et l’Es allemand deviendra S puis $, jusqu’au Séminaire XV où il modifie ainsi la formule à propos de l’acte : « Wo $ tat, là où le signifiant agissait […] muss Ich(a) werden, […] je dois devenir le déchet [4] ». De quoi orienter toute une vie… de désir.

 



[1] Guyader M., Suzanne Hommel : une vie de désir, Essai biographique, Vanves, JMW Fédition, 2025.
[2] La suite de l’aphorisme : Es ist Kulturarbeit wie die trockenlegung der Zuydersee, l’assèchement du Zuydersee, métaphore produite par Freud à l’époque des constructions des polders sur le Zuydersee.
[3] Cité par Suzanne Hommel in Lhistoire du sujet dans l’Histoire du siècle, article « Wo es war, soll ich werden », Tours, Soleil Carré, 1993, p. 30.
[4] Lacan J., Le Séminaire, livre XV, L’Acte analytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil et le Champ Freudien, 2024, p. 121.