Cartello N°28
Ni plus, ni moins : du pas-tout dans le savoir
Par Maria Novaes
Le thème du savoir s’est révélé au cœur de mon dernier travail en cartel, non seulement par rapport à la lecture du Séminaire Encore – autour duquel ce cartel s’est mis au travail – mais aussi par rapport à une question qui me traversait dont je ne soupçonnais pas les ressorts.
J’essaierai ici d’articuler cette dernière expérience de cartel à la question du féminin, à partir de la formulation de Lacan de pas-tout, présente dans ce Séminaire. Non seulement à travers le « pas toute dans le savoir », comme l’indique le titre de cette soirée, mais aussi à partir d’une citation de ce même Séminaire qui me semble être une voie possible pour l’articuler avec le travail de cartel.
Lacan, dans la deuxième partie du chapitre V de ce séminaire, parle de deux manières de rater le rapport sexuel : la façon mâle de tourner autour, et l’autre, « comment, de la façon femelle, ça s’élabore. Ça s’élabore du pas-tout », dit-il. Plus tard, il affirme que « c’est de l’élaboration du pas-tout qu’il s’agit de frayer la voie. C’est mon vrai sujet de cette année, derrière cet Encore, et c’est un des sens de mon titre. Peut-être arriverai-je ainsi à faire sortir du nouveau sur la sexualité féminine »(1).
Le sujet de l’élaboration m’a tout de suite renvoyée au texte de Jacques-Alain Miller, issu de son intervention lors d’une soirée de cartels en 1986, sur ce qu’il a présenté comme les cinq variations sur le thème de l’élaboration provoquée(2). Il y affirme, d’emblée, qu’une élaboration est toujours provoquée. Comment l’articuler avec l’élaboration du pas-tout dont parle Lacan dans Encore, au cœur même de ce terme, comme évoqué ci-dessus ?
L’élaboration provoquée résume bien le dispositif du cartel, pour le dire en quelques mots. À la place de l’agent, nous avons le sujet, en tant que divisé, « portant l’interrogation », qui interpelle les autres membres du cartel à partir de leur traits propres, leurs insignes, signifiants-maîtres, pour produire un savoir. L’objet doit aussi être à sa juste place, c’est-à-dire qu’il n’est pas du côté du plus-Un. Ce dernier ne s’approprie pas l’effet d’attrait, mais il doit le référer ailleurs, à Freud et à Lacan en l’occurrence.
Miller précise ainsi que le discours hystérique est celui qui convient le mieux à la structure du cartel : comme dans l’enseignement de la psychanalyse, par le transfert de travail, l’analyste y est en tant qu’analysant ; c’est de cette place qu’il obtient « qu’on s’y mette », ce que Lacan a appelé aussi induction (3). La place du Plus-Un donc n’est pas celle du sujet supposé savoir, mais de celui qui prend sur lui la division subjective, d’insérer dans le cartel l’effet de sujet. Miller énonce sur le Plus-Un qu’il « s’ajoute au cartel qu’à le décompléter, de devoir s’y compter et d’y faire fonction de manque ». En savoir plus>
Cartello n°28
(1) Lacan, J. Le Séminaire livre XX, Encore, Paris Seuil, 1975. Chapitre V, partie 2
(2) Miller, J.-A., https://www.causefreudienne.net/cinq-variations-sur-le-theme-de-lelaboration-provoquee/, intervention du 11 décembre 1986.
(3) Miller, J.-A. « L’École, le transfert et le travail », La Cause du désir n.99, Paris, Navarin Editeur, 2018.