Festen

Réservation par chèque à l’ordre du Théâtre de l’Odéon, places à 29 €(catégorie 1) ou 21 € (catégorie 2). À envoyer avec votre email à : Philippe Benichou, 5 rue de Vouillé 75015 Paris

Ateliers Berthier
1, rue André Suares,
Paris 17e (angle du bd Berthier),
Porte de Clichy

Vecteur
Théâtre et Psychanalyse

Festen

D’après le film de Thomas Vinterberg
Mise en scène de Cyril Teste

Débat avec Cyril Teste et Guy Trobas,
psychanalyste, membre de l’ECF

Débat animé par Philippe Benichou, psychanalyste, membre de l’ECF et Christiane Page, professeur des universités en études théâtrales

Balance ton père

Le bruit d’un couvert en argent résonne sur un verre en cristal pour obtenir le silence. Devant une trentaine d’invités, le fils ainé, Christian, se lève et demande la parole pour rendre un hommage singulier à son père Helge dont on fête les 60 ans: “Papa voulait toujours prendre des bains, il nous faisait allonger sur la banquette verte et il nous violait, il abusait de nous, il avait des rapports sexuels avec ses chers petits ». Festen, réalisé par Thomas Vinterberg et grand prix du Jury, fit l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel bleu de Cannes en 1998. C’est un film qui dénonce de plein fouet l’imposture du père au-delà des semblants de la réussite, du milieu social de la bonne société danoise.  Un fils prend la parole pour balancer son « porc » de père, figure intouchable, irréprochable, bardé d’honneurs. Ce n’est pas à coups de tweets anonymes mais en présence des corps, par une prise de parole en public que Christian accuse son père, sur fond du suicide de sa sœur jumelle.
 
En reprenant les propos de Jacques-Alain Miller à propos du livre Une semaine de vacances de Christine Angot, on pourrait avancer que ce film nous fait comprendre « pourquoi il nous faut sortir du règne du père. Le père, cette plaie, a fait son temps, est obsolète. » [1]. C’est le tour de force qu’accomplit Festen à travers la détermination de Christian et malgré l’hypocrisie et la complicité de tous. Dans le film la caméra joue un rôle principal, elle s’invite comme un convive. C’est une caméra amateur, fébrile, à l’épaule, qui se glisse dans l’intimité des scènes, scrute les visages, dévoile les failles intimes… Il sera tout à fait intéressant de voir comment la mise en scène permet de traiter ce regard-là qui fit le succès du film.
 
Guy Trobas, psychanalyste et membre de l’ECF sera l’invité de L’Envers de Paris pour discuter avec le metteur en scène Cyril Teste à l’issue de la représentation qui aura lieu le 10 décembre aux Ateliers Berthier. Nous vous attendons nombreux !
 
Hélène de La Bouillerie

[1] Miller J-A, « Nous n’en pouvons plus du père » sur le site la règle du jeu,
https://laregledujeu.org/2013/04/26/13161/nous-nen-pouvons-plus-du-pere/

Logique du pire, ou la confrontation avec le réel

Logique du pire, ou la confrontation avec le réel

par Alexandra Fehlauer

Le Théâtre de la Bastille présentait du 4 au 14 octobre 2017 la pièce « La logique du pire », inspirée par un essai du philosophe Clément Rosset et mis en scène par le canadien Etienne Lepage.

Le texte, écrit par le metteur en scène lui-même, très rythmé, scandé, comprend une dizaine de scènes courtes pour cinq personnages. Nous ne savons rien de ces jeunes hommes et femmes, nous les découvrons, en quelque sorte, en pleine action : de masturbation, d’agression violente ou de prise de conscience de ne pas être « quelqu’un de bien ». Le discours est désaffecté, les mots sont crus, le langage frappe. Nous sommes confrontés à la solitude immense des personnages, à la déconstruction de leurs idéaux, sans que la moindre recherche de sens viennent border la Chose.

Alors que le texte à la lecture laissait entendre un pessimisme, voir un certain nihilisme nietzschéen, la présence des corps et la vitalité du jeu des comédiens faisait apparaître quelque chose d’autre : un aspect jubilatoire, presque joyeux. Etienne Lepage, qui a réussi à opérer ce tour de force, dit avoir cherché à « installer un langage qui n’allait pas être des mots, mais un choix de mouvements qui prolongerait l’écriture, plus même l’incarnerait ». Lors d’une première phase d’écriture, il s’agit à chaque fois pour lui de trouver des idées, des concepts théoriques. Il s’inspire pour ce faire de philosophes comme Nietzsche ou Rosset. Puis, le texte doit « prendre du souffle », trouver sa musicalité. Pendant cette phase, les répétitions avec les comédiens commencent et un dialogue entre le texte et les mouvements s’installe. La collaboration avec le chorégraphe Frederic Gravel a ainsi apporté aux déplacements et gestes des comédiens une très grande précisions, permettant de donner à voir, plutôt que d’expliquer. Ce langage corporel, au plus près du réel, met en exergue ce qui est en nous « humain, trop humain » – c’est-à-dire notre jouissance, toujours en excès.

Alors que les personnages de la pièce restent, malgré la proposition d’Etienne Lepage d’un traitement par le corps, sans véritable réponse face au réel (« Tire-toi en courant ! » ; « Ne faudrait-il pas tout arrêter ? »), le texte de présentation de la pièce émet une hypothèse intéressante. On peut y lire que la confrontation avec le réel auquel on a affaire permettrait de le « déminer ». Me venait alors à l’esprit l’intervention de M. H. Brousse au 40e Journées de l’ECF en 2010. Elle y a comparé le processus analytique avec une activité de déminage. Il s’agirait, selon elle, de repérer dans le fil de la chaîne signifiante les « détonateurs », c’est-à-dire les signifiants et objets comportant une charge « explosive » pour le sujet.

Est-ce que, donc, le fait de se confronter au réel, à ses points de jouissance, permet de les déminer, de les rendre inoffensifs comme le texte de la présentation le suggère ? La psychanalyse lacanienne ne le promet pas. Les bombes existent et continueront d’exister, mais un long parcours analytique peut permettre au sujet de les localiser, afin de les contourner.

On aurait presque envie de suggérer une telle solution aux personnages, très touchants, de la « Logique du pire ».