Nouveaux symptômes du numérique

Samedi 9 décembre 2023

Centre Sèvres, 35 bis rue de Sèvres – 75006 Paris

Né dans les années 1990, le numérique a provoqué une véritable révolution. Il a transformé le monde qui nous entoure et les relations avec nos proches. Internet et les réseaux sociaux constituent un instrument fondamental qui allège notre vie quotidienne, facilite les échanges et augmente nos connaissances. À ce formidable outil de recherche s’est joint un « marché de l’attention » qui se sert de notre dépendance pour mieux vendre ses produits. Notre temps et notre espace ne nous appartiennent plus. Nous avons été gagnés par l’accélération de notre monde. L’usage compulsif des appareils connectés a provoqué des d’addictions nouvelles, le multitasking, des troubles de l’attention, les selfies et les story et les likes, l’inflation de l’égo … Comment interpréter ce nouveau paradigme à l’aide du discours analytique ?

Le titre choisi à l’occasion des journées de l’Envers de Paris et de l’ ACF Île-de-France vient pointer une double lecture. D’un côté, « Les nouveaux symptômes du numérique » fait entendre les effets de l’ère digitale. C’est ce qui achoppe pour les êtres parlants depuis que ces usages ont révolutionné notre monde. Tout ce qui découle de cette nouvelle donne dans nos vies, tout ce qui nous accable en même temps que tout ce qui nous procure une satisfaction, si nous suivons la définition lacanienne du symptôme.

D’un autre côté, le numérique prend le statut d’un symptôme du malaise dans la civilisation. Ces appareils auxquels nous sommes appareillés — et cela bien avant l’ère digitale — ne sont-ils pas des prolongements de nos fonctions corporelles, comme le disait déjà Sigmund Freud ? : « Grâce à tous ses instruments, l’homme perfectionne ses organes-moteurs aussi bien que sensoriels — ou bien élargit considérablement les limites de leur pouvoir ». Et s’ils prolongent nos fonctions corporelles, c’est qu’ils deviennent nos symptômes à nous. Lacan met de relief que nous sommes appareillés au langage et que notre vouloir dire recouvre un vouloir se satisfaire. Dans quelle mesure ces nouveaux langages appareillent ce que l’être parlant a de plus intime ? : « Est-ce qu’on acquiert un bien ou est-ce qu’on se fait prendre dans un système qui nous dévore insidieusement à notre insu ? ».

Dans cette Journée de l’Envers et de l’ACF Île-de-France, le 9 décembre prochain, nous serons amenés à explorer ce passionnant sujet sous différentes facettes. Qu’est-ce qui change dans la rencontre amoureuse « sous algorithme », quelles sont les nouvelles sublimations du numérique, de quelle façon l’intelligence artificielle s’introduit dans la société, de quoi sera faite l’ère du Métavers, quels avatars pour l’image du corps lorsque nous sommes obligés de nous montrer sur un écran ? Jacques Lacan avait trouvé un nom pour l’espace crée par les objets de la science : l’aléthosphère, où se conjuguent alètheia (vérité) et sphaira (la sphère, le monde environant). L’ère digitale est devenue le nouveau théâtre de la vérité. Dans « Le triomphe de la religion », en 1974, il signalait déjà, à propos de la télévision, la dévoration des gadgets à laquelle nous consentions.

Jacques Lacan avait déjà entrevu l’enjeu délicat de la position de l’analyste en phase avec la société : « Qu’y renonce plutôt celui qui ne peut rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque. Car comment pourrait-il faire de son être l’axe de tant de vies, celui qui ne saurait rien de la dialectique qui l’engage avec ces vies dans un mouvement symbo-lique. Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre continuée de Babel, et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages ».

Dalila Arpin

Inscription

Programme

9.00 – 9.30 – ACCUEIL

OUVERTURE : Alice Ha Pham

9.30 – 11.00 – « IA et modèles de langage »

 

Rosana Montani-Sedoud, Psychologue clinicienne, déléguée aux Cartels à l’ACF en Île-de-France.

Alexandre Gefen, Directeur de Recherche CNRS au sein de l’unité Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité (UMR7172, THALIM, CNRS / Université sorbonne Nouvelle – Paris 3), est historien des idées et de la littérature.  Il est l’auteur de nombreux articles et essais portant notamment sur la culture, la littérature contemporaine et la théorie littéraire. Fondateur de Fabula.org, il a été l’un des pionniers des Humanités Numériques en France. Travaillant à l’adoption des outils de l’Intelligence Artificielle pour la recherche dans les sciences humaines et sociales comme à son examen critique, il coordonne le projet ANR « CulturIA », pour une histoire culturelle de l’IA. Dernières publications : Créativités artificielles (Les Presses du réel, 2023), Vivre avec ChatGPT (L’Observatoire, 2023)

Josiane Boutet, Sociolinguiste, Professeure émérite Sorbonne Université

 

Discutants :

Caroline Leduc, Psychanalyste à Paris, psychologue clinicienne, Master professionnel de psychopathologie clinique (Rennes 2), membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Serena Guttadauro-Landriscini, Psychologue clinicienne, secrétaire de l’Envers de Paris.

 

11.00 – 12.30 – « À l’ère du numérique, qui parle ? »

 

Alice Ha Pham, Psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, déléguée régionale de l’ACF en Île-de-France.

Xavier de La Porte, Journaliste à l’hebdomadaire l’Obs, essayiste et producteur du podcast “Le code a changé” sur France Inter qui traite des questions que soulève le numérique.

Vilma Coccoz, Psychanalyste, membre de la Escuela Lacaniana de Psichoanalisis et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

 

Discutants :

Laurent Dupont, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, secrétaire de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Guillaume Libert, Psychologue clinicien, trésorier de l’Envers de Paris.

12.30 – 14.15 – PAUSE DÉJEUNER

14.15 – 14.30 – “Préambule aux instructions pour remonter une montre” de Julio Cortazar

Une lecture de Alain Gintzburger

Comédien, metteur en scène, pédagogue

 

14.30 – 16.00 – « Nouvelles sublimations du numérique »

Cinzia Crosali, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Gilles Mouillac, Psychanalyste et cofondateur de l’institution « Le Nom lieu » à Bordeaux.

Yasmina Salmandjee, Auteur indépendant et conférencière dans les nouvelles technologies.

 

Discutants :

Pierre Sidon, Psychiatre, Directeur de deux CSAPA à Paris et Champigny sur Marne, Psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne.

Xavier Gommichon, Psychiatre, praticien hospitalier, ancien assistant spécialiste des hôpitaux, Psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

 

16.00 – 17.30 « L’amour sous algorithme »

 

Soledad Peñafiel, Psychologue clinicienne, déléguée aux Cartels  pour l’Envers de Paris.

Matthieu Jacquier, Diplômé de l’École Polytechnique en 1998, Matthieu Jacquier effectue ensuite un Master of Science à l’université de Stanford (USA), puis un master en administration des affaires à Sciences Po. Il se spécialise dans le domaine du produit et de l’innovation en devenant directeur marketing et produit chez SFR, puis directeur de l’innovation pour Coyote Systems. Il prend le virage du digital avec le groupe SNCF, en gérant d’abord l’innovation des nouvelles mobilités, puis en prenant la direction de la stratégie digitale du groupe en 2016.
En 2017, Matthieu Jacquier rejoint le groupe Meetic en tant que Chief Product & Customer Officer. Son rôle au sein de Meetic Group est de délivrer la meilleure expérience client à travers le management stratégique du produit, design, service client, CRM et des événements. Il devient CEO en mars 2019.

 

Discutants :

Dalila Arpin, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, directrice de l’Envers de Paris, DESS de psychologie clinique et psychopathologie (Rennes 2), Master de Psychanalyse (Paris 8) et Doctorat de psychanalyse (Paris 8), autrice de « Couples célèbres. Liaisons inconscientes » (Navarin Ed.).

Fabian Fajnwaks, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, Maître de conférences au Département de psychanalyse de l’Université de Paris 8, DESS de psychologie clinique et pathologique (Paris 5), doctorat de psychologie clinique (Rennes 2), doctorat de psychanalyse (Paris 8).

CLÔTURE : Dalila Arpin

*** COCKTAIL À PARTIR DE 17H30 ***

* Pas d’inscriptions sur place *

Programme

Matin

9.00 – 9.30 – ACCUEIL

OUVERTURE : Alice Ha Pham

9.30 – 11.00 – « IA et modèles de langage »

 

Rosana Montani-Sedoud, Psychologue clinicienne, déléguée aux Cartels à l’ACF en Île-de-France.

Alexandre Gefen, Directeur de Recherche CNRS au sein de l’unité Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité (UMR7172, THALIM, CNRS / Université sorbonne Nouvelle – Paris 3), est historien des idées et de la littérature.  Il est l’auteur de nombreux articles et essais portant notamment sur la culture, la littérature contemporaine et la théorie littéraire. Fondateur de Fabula.org, il a été l’un des pionniers des Humanités Numériques en France. Travaillant à l’adoption des outils de l’Intelligence Artificielle pour la recherche dans les sciences humaines et sociales comme à son examen critique, il coordonne le projet ANR « CulturIA », pour une histoire culturelle de l’IA. Dernières publications : Créativités artificielles (Les Presses du réel, 2023), Vivre avec ChatGPT (L’Observatoire, 2023)

Josiane Boutet, Sociolinguiste, Professeure émérite Sorbonne Université

 

Discutants :

Caroline Leduc, Psychanalyste à Paris, psychologue clinicienne, Master professionnel de psychopathologie clinique (Rennes 2), membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Serena Guttadauro-Landriscini, Psychologue clinicienne, secrétaire de l’Envers de Paris.

 

11.00 – 12.30 – « À l’ère du numérique, qui parle ? »

 

Alice Ha Pham, Psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, déléguée régionale de l’ACF en Île-de-France.

Xavier de La Porte, Journaliste à l’hebdomadaire l’Obs, essayiste et producteur du podcast “Le code a changé” sur France Inter qui traite des questions que soulève le numérique.

Vilma Coccoz, Psychanalyste, membre de la Escuela Lacaniana de Psichoanalisis et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

 

Discutants :

Laurent Dupont, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, secrétaire de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Guillaume Libert, Psychologue clinicien, trésorier de l’Envers de Paris.

Après-midi

12.30 – 14.15 – PAUSE DÉJEUNER

14.15 – 14.30 – “Préambule aux instructions pour remonter une montre” de Julio Cortazar

Une lecture de Alain Gintzburger

Comédien, metteur en scène, pédagogue

 

14.30 – 16.00 – « Nouvelles sublimations du numérique »

Cinzia Crosali, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

Gilles Mouillac, Psychanalyste et cofondateur de l’institution « Le Nom lieu » à Bordeaux.

Yasmina Salmandjee, Auteur indépendant et conférencière dans les nouvelles technologies.

 

Discutants :

Pierre Sidon, Psychiatre, Directeur de deux CSAPA à Paris et Champigny sur Marne, Psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne.

Xavier Gommichon, Psychiatre, praticien hospitalier, ancien assistant spécialiste des hôpitaux, Psychanalyste membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.

 

16.00 – 17.30 « L’amour sous algorithme »

 

Soledad Peñafiel, Psychologue clinicienne, déléguée aux Cartels  pour l’Envers de Paris.

Matthieu Jacquier, Diplômé de l’École Polytechnique en 1998, Matthieu Jacquier effectue ensuite un Master of Science à l’université de Stanford (USA), puis un master en administration des affaires à Sciences Po. Il se spécialise dans le domaine du produit et de l’innovation en devenant directeur marketing et produit chez SFR, puis directeur de l’innovation pour Coyote Systems. Il prend le virage du digital avec le groupe SNCF, en gérant d’abord l’innovation des nouvelles mobilités, puis en prenant la direction de la stratégie digitale du groupe en 2016.
En 2017, Matthieu Jacquier rejoint le groupe Meetic en tant que Chief Product & Customer Officer. Son rôle au sein de Meetic Group est de délivrer la meilleure expérience client à travers le management stratégique du produit, design, service client, CRM et des événements. Il devient CEO en mars 2019.

 

Discutants :

Dalila Arpin, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, directrice de l’Envers de Paris, DESS de psychologie clinique et psychopathologie (Rennes 2), Master de Psychanalyse (Paris 8) et Doctorat de psychanalyse (Paris 8), autrice de « Couples célèbres. Liaisons inconscientes » (Navarin Ed.).

Fabian Fajnwaks, Psychanalyste, membre de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, Maître de conférences au Département de psychanalyse de l’Université de Paris 8, DESS de psychologie clinique et pathologique (Paris 5), doctorat de psychologie clinique (Rennes 2), doctorat de psychanalyse (Paris 8).

Clôture

CLÔTURE : Dalila Arpin

*** COCKTAIL À PARTIR DE 17H30 ***

* Pas d’inscriptions sur place *

Horizon N° 65 / Dire ou ne pas dire

Horizon N° 65 / Dire ou ne pas dire

Horizon N° 65 / Dire ou ne pas dire

Sommaire

Introduction
Marga Auré

Éditorial

Stella Harrison

Orientation

À partir du silence, Jacques-Alain Miller

Dire ou ne pas dire

Honte à dire, dire la honte, Sonia Chiriaco

Dire les noms propres en analyse, Susanne Hommel

Dire ou ne pas dire dans la conjoncture spécifique

d’une affaire de mœurs, Pierre Naveau                             

Di doo dah, Aurélie Charpentier-Libert

L’abus d’un dire, Pierre Sidon

Se taire pour dire : un paradoxe de la parole, Adriana Campos

Faire cas du texte, Pascale Fari

Écrire

Dire, entre fiction et fixation, entretien avec Hélène Bonnaud

sur son livre Monologues de l’attente, par Dominique Corpelet, Stella Harrison & Stéphanie Lavigne

Le port de l’écriture, Emmanuelle Chaminand Edelstein

Questions de zones, conversation avec Patricia Janody, psychanalyste et auteure, Didier Cremniter, Nathalie Georges-Lambrichs,
Anicette Sangnier & Agnès Vigué-Camus

La scène à L’Envers

Empreintes, entretien avec Claire Baulieu, chorégraphe,

pédagogue, par Dominique Corpelet & Sarah Dibon     

L’ironie mélancolique de Beckett, Philippe Benichou        

Dire, se taire, avouer, cacher, Christiane Page

Un monde HOST-IL ?, Maria Luisa Alkorta,

Karim Bordeau, Elisabetta Milan-Fournier

Qu’on dise

Lutte militante, silence de l’analyste, Fabrice Bourlez

Covid, transgenre ?, Thierry Jacquemin

Praxis analytique post-covid, Naharya Reis

Quand la haine s’affiche

S’enseigner de la haine, un pari pour la psychanalyse,

entretien avec Camilo Ramirez sur son livre, Haine et

pulsion de mort au xxie siècle, par Hélène de la Bouillerie,

René Fiori, Stella Harrison & Chicca Loro

Éloge joyeux de l’acte, à propos de Actualités de la haine,

de Anaëlle Lebovits-Quenehen,

Deborah Gutermann-Jacquet                                           

Arrêt sur image

Filmer autour du silence, rencontre de Mariana Otero,

avec Stella Harrison & Agnès Vigué-Camus

Horizon N° 67 / Formes contemporaines de la pudeur

Horizon N° 67 / Formes contemporaines de la pudeur

Horizon N° 67 / Formes contemporaines de la pudeur

Sommaire

Éditorial, Un petit abri, Dalila Arpin

Introduction, Un nuage de lait, Ariane Chottin

 

LA TOILE DE L’ÉPOQUE                                              

Pudeur & impudeur de MeToo,

Tout dire, mi-dire, bien dire, Émilie Descout-Ouannadi

 Ad Feminem,             

Atteintes à la pudeur 2.0, Gilles Mouillac

Une chose qui ne nous est pas destinée, Rencontre avec Xavier de La Porte

Ouvrir les yeux,

Mérites de la pudeur et de la honte, Adriana Campos

Écrire la scène,                       

Annie Ernaux : dire, le gain de la honte, Marie-Christine Baillehache

L’écran (im)pudique,

Clinique de la pornographie au XXIe siècle, Ariel Altman

Une écologie de la jouissance ?

Pudeur et société de consommation, Thomas Daigueperce

 

ENTRE LES MOTS                                                         

L’indécence des phrases toutes faites, Rencontre avec Christine Angot

La pudeur de la langue,

Où loger le bien-dire à l’heure de l’aveu, Bénédicte Jullien

« Sch-chut ! »,

Prélude à une lecture freudienne, Susanne Hommel, Niels Adjiman, Christine Hyot, Michèle Laboureur, Brigitte Lehmann, Nathalie Menier, Jonathan Sibold

Premier amour,

La pudeur selon Beckett, Omaïra Meseguer

La pudeur et le réel,    Le passage étroit du privé au public, Laure Naveau

Violation et indicible

« histoire d’une langue coupée », Clotilde Leguil

 

PAS À VOIR                                                                                                      

« l’écharde dans la chair »

Des usages de la pudeur, Jacqueline Dhéret

Judith et Lucrèce,

La peinture comme recours, Yves Depelsenaire

Le voile, entre pudeur et impudeur, Rencontre avec Bruno Nassim Aboudrar

Sous le voile, Traumatisme et pudeur, Sonia Chiriaco

Une barrière à la jouissance déréglée,

Le toxique comme voile, Tomás Verger

Leur honneur, leur pudeur,

L’engagement dans la guerre, Émilie Dragüla-Gabillet

 

FICTIONS DERRIÈRE L’IMAGE                                                   

La pudeur, Dieu et la lettre,

Comment une fiction cinématographique fait démonstration clinique, Hervé Castanet

Dans les bas-fonds d’Argos, Électre et la jouissance obscène, Hélène de La Bouillerie

 Network, la pudeur au rencart, Puissance du discours capitaliste, Karim Bordeau

De Virgin suicides à Lost in translation,

Nouage de la pudeur et l’impudeur dans le cinéma de Sofia Coppola, Baptiste Jacomino

Angela Liddell, un théâtre de la cruauté,

L’Un-pudeur de l’horreur, Alexandra Escobar, Andrea Souza Paleari & Ana Inés Vasquez

 

FENÊTRES                                                                                 

Le facteur infantile, un trésor voilé,

Les théories sexuelles de l’enfant; du récit au ratage, Beatriz Gonzalez-Renou

« Elvis has left the building», Cerner la perte avec pudeur, Daphné Leimann

Filmer la langue, Conversation entre Nurith Aviv et Éric Laurent

La pudeur, une position féminine

À travers les âges de la vie, Élisabeth Leclerc-Razavet

Par(l)amour,De jeunes brésiliens à l’heure de la pornographie,  Junia Couto

Horizon N° 66 La sublimation ? Sérieux ?!

Horizon N° 66 La sublimation ? Sérieux ?!

Horizon N° 66 / La sublimation ? Sérieux ?!

Sommaire

Introduction, Marga Auré

Éditorial, Stella Harrison

Orientation,

Opérer avec la Chose, Jacques-Alain Miller

La sublimation ? Sérieux ?!

Limites de la sublimation, Éric Laurent

Narcissisme et sublimation, Laurent Dupont

Une nouvelle raison pour l’amour, Fabian Fajnwaks

  • Sublime perversion, Guillaume Libert
  • Sublimation et sexuation, Rose-Paule Vinciguerra

Quark – L’artiste et le physicien, Fabienne Hulak

  • L’impudence et le pas-tout, Pascal Pernot

Peindre et écrire

Le dit-voir, Pierre Antoniucci

L’escabeau d’Albert, Hervé Castanet

Lire

Événement d’écriture, Hélène Bonnaud

Un accident entre le cri et la parole, Nathalie Georges-Lambrichs

Le souffle et le silence, Emmanuelle Chaminand Edelstein

De l’excès à l’accès, Marie-Christine Baillehache

Giacomo Leopardi : « un discours qui parle à tout le monde », Cinzia Crosali

Accords

Alban Berg : lyrisme et dodécaphonisme, Serge Cottet*

La musique et la psychanalyse : compatibles ou réfractaires ?, Marie Faucher-Desjardins

Hors les murs

Conversation avec Francesca Biagi-Chai

Les chemins de L’Envers 

Lectures cliniques

Maman, au secours !, Janis Gailis

Lectures freudiennes

La passe de lalangue, Susanne Hommel

La scène

Vive Mizoguchi !, Karim Bordeau

Les contes de La femme qui n’existe pas, Laura Sokolowsky

Le plus sublime des hérétiques, Giordano Bruno, Philippe Benichou

Giordano Bruno, l’infini, cause et nécessité, Francesca Biagi-Chai

Chorégraphie de la spirale, Dominique Corpelet

L’acteur, l’escabeau, le trou, Mathilde Braun

Vers un théâtre de soi, Guido Reyna

Sans tambour ni trompette, trois questions à Gianni Corvi

Note de lecture

Pas-tout-LOM, Soledad Peñafiel

Annie Ernaux : Le rendez-vous de l’objet

Annie Ernaux : Le rendez-vous de l’objet

Annie Ernaux : Le rendez-vous de l’objet.

Dans Passion simple, Annie Ernaux n’écrit pas le rapport sexuel entre une femme – elle-même – et un homme – désigné par la lettre A. Elle écrit l’avant et l’après de cette rencontre qu’elle situe dans « un espace de temps délimité par deux bruits de voiture, sa R25 freinant, redémarrant, où j’étais sûre qu’il n’y avait jamais rien eu de plus important dans ma vie, ni avoir des enfants, ni réussir des concours, ni voyager loin, que cela, être au lit avec cet homme au milieu de l’après-midi.  » Hors du temps suspendu de « l’absolu de [sa] passion  », tout lui est devenu « ou pénible ou indifférent  ». Avant et après cette rencontre tout entière emplie de la passion hors temps des corps, il n’y a plus qu’« une attente indéfinie et douloureuse  » et qu’un avenir fixé au « prochain coup de téléphone fixant un rendez-vous  ». « Je n’étais plus que du temps passant à travers moi.  »

Annie Ernaux n’écrit que les restes de cette jouissance du rapport sexuel qui la happe hors du temps. Elle dresse le tableau des objets qui témoignent de cette jouissance qui y fut rencontrée et éprouvée et qui ne s’écrit pas. « Aussitôt après son départ, une immense fatigue me pétrifiait. Je ne rangeais pas tout de suite. Je contemplais les verres, les assiettes avec des restes, le cendrier plein, les vêtements, les pièces de lingerie, éparpillés dans le couloir, la chambre, les draps pendant sur la moquette. J’aurais voulu conserver tel quel ce désordre où tout objet signifiait un geste, un moment, qui composait un tableau dont la force et la douleur ne seront jamais atteintes pour moi par aucun autre dans un musée.  » Ce tableau, cette Nature morte « ni nature, ni morte  », fait écran au rapport sexuel qui n’existe pas et donc ne peut ni se voir ni s’écrire. Ne peut s’en voir et s’en écrire que des morceaux extraits, des pièces détachées épars tombées au sol qui à la fois le montrent et le cachent. Dans son texte « Les prisons de la jouissance », J.-A. Miller fait valoir que cette connexion de l’imaginaire et du symbolique voile ce qui se trouve derrière, caché, l’objet (a). « Le voile qui cache fait exister ce qui ne peut se voir. […] S’il n’y a pas de voile, on constate qu’il n’y a rien. Si entre le sujet et le rien il y a un voile, tout est possible. On peut jouer avec le voile, imaginer des choses, un peu de simulacre peut également aider. Là où il n’y avait rien avant le voile, il y a, peut-être, quelque chose et au moins, il y a l’au-delà du voile, et dans cette mesure, par ce “peut-être”, le voile crée quelque chose ex nihilo  ».

Avec l’écriture de son roman Passion simple, Annie Ernaux met en place la fonction du voile qui, avec de l’imaginaire et du symbolique, cache et montre l’objet (a) comme étant rien. « Dès que j’entendais la voix de A., mon attente indéfinie, douloureuse, jalouse évidemment, se néantisait si vite que j’avais l’impression d’avoir été folle et de redevenir subitement normale.  » En y mettant en scène des bouts d’objets destinés à être évacués du corps éprouvant une jouissance « la plus violente qui soit et la moins explicable  », elle fait exister une jouissance possible lui permettant de renouer avec sa vie communément partagée et en lien avec l’Autre de la littérature. « Maintenant, c’est avril. Le matin, il m’arrive de me réveiller sans que la pensée A. me vienne aussitôt. L’idée de jouir à nouveau “des petits plaisirs de la vie” – parler avec des amis, aller au cinéma, bien diner – me cause moins d’horreur. Je suis toujours dans le temps de la passion […] mais ce n’est plus le même, il a cessé d’être continu. Je passe de l’imparfait, ce qui était – mais jusqu’à quand ? – au présent – mais depuis quand ? – faute d’une meilleure solution. Car je ne peux rendre compte de l’exacte transformation de ma passion pour A., jour après jour, seulement m’arrêter sur des images, isoler des signes  ».

Et si, elle débute son roman par la vision « bouleversante  » d’un film classé X, c’est pour mieux substituer à « la stupeur  » provoquée par l’exhibition pornographique du rapport sexuel, le plaisir partiel, voilé et trompeur d’une séduction. Comme le rappelle G. Wajcman dans Ni nature, ni morte : « L’impossible à supporter du réel revient dans l’art comme une séduction, un charme.  » À ce charme capturant la jouissance de façon imaginaire, Annie Ernaux conjoint le passage de la jouissance au symbolique en extrayant de cette jouissance des objets (a), bouts de corps qu’elle élève à la dignité d’objets métaphoriques et non réels.

Marie-Christine Baillehache.