ÉDITO JUIN 2024

ÉDITO JUIN 2024

Cinzia Crosali,
directrice de l’EdP

Nous débutons ce mois de juin avec une riche palette d’activités et d’événements, toujours en connexion étroite avec la ville. Nous suivons notre fil rouge : Fantasmes contemporains du corps, qui guide notre recherche. À ce propos, une référence de Lacan, tirée du Séminaire VI, Le Désir et son interprétation, nous éclaire : « Cet autre est l’image du corps propre […]. C’est là, dans ce fantasme humain, qui est fantasme du sujet […] c’est là que le sujet maintient son existence, maintient le voile qui fait qu’il peut continuer d’être un sujet qui parle[1] ». Le sujet parle et, en même temps, il est parlé ; il est marqué dans son corps par le signifiant. Ainsi, le parlêtre porte les marques d’une jouissance qui ne cesse de se répéter. Ces marques nous mènent directement au sujet des prochaines Journées de l’ECF : Phrases marquantes, Journées que l’École de la Cause a déjà commencé à préparer avec enthousiasme.

1. Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation (1958-1959), Paris, Seuil, 2014, p. 119.

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CARTELS

« Ce qui m’a toujours intéressée dans le cartel – que je sois cartellisante ou plus-un –, c’est de lire Lacan, lire Lacan à plusieurs. J’avoue avoir une passion pour Lacan. Et je crois que c’est parce que je ne le comprends pas vraiment ; quelque chose m’échappe toujours, m’emmène plus loin, dans des contrées imprévues, surprenantes – parfois pas sans angoisse… Voilà, c’est que Lacan m’affecte ! […] Pour moi donc, la lecture à plusieurs permet de se dégager de l’écrasement ou de l’inhibition qu’induit l’affect et dans cette circulation permet d’aller au-delà de ce qu’on a déjà dans la tête [1] ». Bénédicte Jullien, lire la suite

Ce mois-ci un cartel sur le Séminaire X, L’Angoisse de Jacques Lacan, recherche un cartellisant. Il reste également deux places pour un cartel clinique en lien avec les prochaines Journées de l’ECF, Phrases marquantes.

Stéphanie Lavigne

1. Jullien B., « Le cartel : s’enseigner de ce qui nous affecte », Cartello, n° 19, décembre 2017, disponible sur internet.

***

Et maintenant la parole aux responsables des vecteurs et des groupes de l’Envers de Paris, qui nous informent sur les activités et les évènements du mois de juin :

VECTEUR LECTURES FREUDIENNES

Nous continuons la traduction de l’article « Ein Kind wird geschlagen-Un enfant est battu » que Freud écrit en 1919, à l’issue de l’analyse de sa fille Anna. Un texte d’une incroyable actualité, citons le dans notre traduction :

« nous saisissons alors le fantasme connu d’être battu de la troisième phase, qui en est la structure définitive, dans laquelle l’enfant qui fantasme apparaît dans le meilleur des cas que comme spectateur, et où le père est maintenu dans la personne d’un instituteur ou tout autre autorité. Le fantasme, qui est maintenant semblable à celui de la première phase, semble s’être de nouveau changé en fantasme sadique. Cela donne l’impression que c’est comme si dans la phase : « le père bat l’autre enfant, il n’aime que moi », l’accent s’est retourné sur la première partie, après que la deuxième partie a succombé au refoulement…/…tous ces enfants indéterminés qui ont été battus par l’instituteur ne sont que des ersatz de la personne même. Ici se montre aussi pour la première fois quelque chose comme une constance du sexe chez les personnes servant le fantasme. Les enfants battus sont presque toujours des garçons, dans les fantasmes des garçons aussi bien que dans ceux des filles[1] ».

Nous nous retrouverons chez Susanne Hommel le mercredi 12 juin à 21h, contact : lectures-freudiennes@enversdeparis.org

1. Freud S., « Ein Kind wird geschlagen » G.W. XII, Werke aus den Jahren (1917-1920), Frankfurt am Main, Fischer Verlag, 1999, p. 210-211. 

SEMINARIO LATINO

Toxique. C’est autour de ce signifiant dans l’air du temps qui se présente, selon Clotilde Leguil, comme un nouveau malaise de la civilisation et qui s’est invité dans la dimension du rapport à l’Autre, au cœur du lien social, que nous aurons le plaisir de converser avec l’autrice autour de son dernier ouvrage L’Ère du toxique. Saisir au plus près l’enjeu intime, social et politique du toxique et comment la psychanalyse se positionne à cet égard, c’est ce que nous proposons lors de notre prochaine soirée, le 12 juin à 21h à la Maison de l’Amérique Latine, 217 Bd Saint Germain, 75007, Paris. Nous vous attendons nombreux !

L’argument du cycle d’étude 2024-2025 du Seminario Latino de Paris : https://enversdeparis.org/seminario-latino-de-paris

Responsables : Flavia Hofstetter et Nayahra Reis.
Contact : seminario-latino-de-paris@enversdeparis.org

VECTEUR LECTURES CLINIQUES

Le Vecteur des lectures cliniques s’est réuni le samedi 25 mai 2024 pour travailler ensemble le troisième chapitre du Cas Schreber de Freud. Le questionnement de Katie Abril Boch a permis d’engager une discussion et de percevoir toute la richesse de cette œuvre fondamentale afin de saisir les mécanismes libidinaux à l’œuvre dans la paranoïa. Ensuite Javier Naranjo Silva nous a présenté son texte qui a permis de faire des allers-retours entre l’article de Sigmund Freud et la clinique contemporaine.

Contact : clinique-lacan@enversdeparis.org

VECTEUR PSYCHANALYSE ET LITTERATURE

Lors de notre réunion du 18 Juin à 20h, notre vecteur poursuivra sa lecture du roman autofictionnel de C. Laurens Fille, en se laissant enseigner par l’appui que cet écrivain trouve dans son travail des mots pour traiter l’agression sexuelle subie à 10 ans. Pendant que son grand-oncle prend violemment possession de son sexe en lui soufflant à l’oreille que « toutes les filles aiment ça [1]  », elle sent que « son cœur bat comme celui du lapin avant de mourir [2]  ».
Quand plus tard, il violente à nouveau son corps en lui imposant sa jouissance, la honte et la peur la réduisent à n’être plus qu’ « une poupée molle [3]  ». « S’évanouir, c’est ça qui la sauverait. [4]  » Et quand elle raconte tout à sa grand-mère et que celle-ci lui ordonne de n’en parler à personne et d’oublier ce « tripotage [5]  » dont « le linge sale [6]  » ne concerne que les femmes ainées de la famille, elle éprouve que l’effacement de sa féminité « est arrivé à la famille, que c’est un truc embêtant pour la famille, pas à elle, pas pour elle [7]  ».
En écrivant son expérience mettant en jeu son corps féminin, C. Laurence se dégage de la violence qui a fait équivaloir sa féminité à la disparition de son être et de son corps. Elle s’y fait présente à elle-même et elle récupère son corps féminin dont elle a été dessaisie. S’engager dans l’écriture littéraire la fait être sujet de la parole lié au désir de l’Autre et non plus objet de la jouissance de l’Autre.
Avec Fille, C. Laurens ne se sauve-t-elle pas elle-même de sa jouissance à se faire absente à elle-même ?

Pour rejoindre notre vecteur, contacter M.-C. Baillehache : litterature@enversdeparis.org


[1] Camille Laurens, Fille, Paris, Ed. Quarto Gallimard, 2023, p. 793.
[2] Camille Laurens, Idem.
[3] Camille Laurens, Ibid., p. 794.
[4] Camille Laurens, Idem.
[5] Camille Laurens, Ibid., p. 796.
[6] Camille Laurens, Idem.
[7] Camille Laurens, Ibid., p. 795.

VECTEUR LE CORPS PAS SANS LA PSYCHANALYSE

Lors de la dernière rencontre du vecteur Le corps, pas sans la psychanalyse, poursuivant un travail collectif sur les fantasmes contemporains du corps, Pierre-Yves Turpin a présenté une réflexion sur le corps marqué par les tatouages, les piercings, les stretchings ou les brandings, en se demandant ce que devient, quand il est ainsi élargi, brulé et transformé, le corps de « LOMcahuncorps et nan-na Kun », dont Lacan parle dans Joyce le symptôme.

La prochaine réunion se tiendra le 7 juin à 20h au 76 rue des Saints-Pères.

Contact : corpsy@enversdeparis.org

VECTEUR PSYNEMA

Le vecteur Psynéma prépare activement les prochaines rencontres psychanalyse-cinéma. 

Voici les dates des prochaines séances ciné-débat qui auront lieu au Patronage laïque Jules Vallès à Paris (saison 2024-2025), et les films concernés (les séances commencent à 14h) : 

    1. Samedi 12/10/2024 : Chantage (Blackmail) d’Alfred Hitchcock ; 
    2. Samedi 07/12/2024 : Ordet de Carl Theodor Dreyer ; 
    3. Samedi 01/02/2025 :   Le festin de Babette de Gabriel Axel ; 
    4. Samedi 05/04/2025 : Reflection in a Golden eyes de John Huston. 

Pour les rencontres qui auront lieu aux 7 Parnassiens retenir (les séances commencent à 20h) :

    1. Jeudi 19 septembre 2024 : Rashômon d’Akira Kurosawa ; 
    2. Jeudi 5 décembre 2024 : La Chasse de Thomas Vinterberg.

Par ailleurs, Alexandra Fehlauer et Jessika Schlosser mettent en place un partenariat à Paris avec L’institut Goethe. La première séance aura lieu le 29 janvier 2025 à 20 h dans le quartier latin, au Cinéma Club 21, situé au 23 rue des Écoles, avec le film L’Ange bleu de Josef von Sternberg (1930), un des premiers longs métrages parlants du cinéma allemand. Nathalie Georges-Lambrichs a accepté d’être notre première invitée pour cette série consacrée aux films allemands.

Contact : Karim Bordeau

VECTEUR THEATRE

La rencontre du vecteur théâtre et psychanalyse aura lieu le dimanche 9 juin à 15h aux ateliers Berthier du théâtre de l’Odéon pour un spectacle adapté du roman de Thomas Bernhard, Oui. La représentation sera suivie par un débat avec la metteuse en scène Célie Pauthe, le comédien Claude Duparfait, et Nathalie Georges, animé par Hélène de La Bouillerie. Vous pouvez réserver votre place en envoyant un mail à cette adresse : theatreetpsychanalyse@gmail.com
(prix des place 29€)

VECTEUR CLINIQUE ET ADDICTIONS

La prochaine conversation aura lieu le mercredi 26 juin 2024 sous le titre : Magic Mushrooms, la promesse enthéogène, un travail d’Éric Colas.

Après trente années de recherche, R. G. Wasson, un banquier new-yorkais, ramène enfin du Mexique des champignons hallucinogènes. Il les diffuse auprès d’amis scientifiques qui les reproduisent et en isolent le principe actif. C’est les années cinquante et nous sommes déjà dans le psychédélisme. Mais la psilocybine provoque plus d’effets mystiques que le LSD. Wasson et ses amis forgent le terme enthéogène pour définir le sentiment divin qu’inspire, libère ces hallucinogènes. Les expériences hallucinogènes récréatives et scientifiques s’arrêtent brutalement en 1971, dans la foulée de la Guerre à la drogue menée par Nixon et les États signataires de la convention de l’ONU. Elles ont repris au début du nouveau siècle, mais pas sans la spiritualité. Quelle est cette promesse enthéogène qui pousse tous ces chercheurs ? Quelle mystique recèlent ces champignons magiques ?

Renseignements et inscriptions sur https://addicta.org/2024

Vous êtes attendus nombreux pour partager ces moments enrichissants ensemble.
Je vous souhaite un doux mois de juin, et une présence vivace à la vie de notre association.

Cinzia Crosali,
directrice de L’Envers de Paris.

« Un état de nos vies » de Lola Lafon

« Un état de nos vies » de Lola Lafon

Lola Lafon nous livre dans cette pièce un état de sa vie, une vie parmi les autres mais surtout parmi les mots. Sur scène, elle s’entoure de signifiants qu’elle décortique, qu’elle définit, qu’elle raconte et qui la racontent. Pas seule, un autre personnage va énoncer des signifiants pour lesquels Lola Lafon aura la charge de donner une définition. On comprend vite que cette sorte d’abécédaire est celui de sa propre langue, sa lalangue. Ce sont les signifiants qui l’ont percutée, troublée, interrogée voire attristée. Cette liste de mots est à la fois circonscrite mais aussi potentiellement infinie car possiblement alimentée par les contingences de la vie. Elle se constitue d’une série de signifiants soigneusement choisis soit, pour ce qu’ils sont, soit pour en révéler d’autres dans la définition elle-même, comme c’est le cas de la question du viol abordée ainsi avec pudeur.

Avec élégance, elle articule sa propre « fiction » aux discours sociétaux actuels. L’un ne va pas sans l’autre, l’un infuse l’autre, et inversement. Dans cette traversée singulière, Lola Lafon imbrique des bribes de son histoire au regard de la grande. C’est le trajet du signifiant qui à la fois sert à raconter, tout en instituant un lien social entre les sujets. Mais il le fait toujours un peu mal, ça rate à dire et qui plus est, il charrie du malentendu. En témoigne le mot de « dialogue » que Lola Lafon tente d’attraper par le biais de la définition de Walter Benjamin, pas sans les autres donc. Elle précise ainsi très justement qu’il y a toujours du ratage, que chacun parle depuis sa rive. Voilà pourquoi souligne-t-elle, le dialogue rate moins lorsque l’interlocuteur parle une langue étrangère. Là on est prévenu d’emblée, il y a risque de ne pas se comprendre. Aussi, la langue de l’Autre est toujours étrangère à soi-même mais la sienne propre l’est tout autant.

On trébuche avec les signifiants au gré des définitions énoncées sur scène et des anecdotes qui les illustrent, mais c’est au fond le « parcours » accidenté du sujet, comme elle le note dans son propre cas, qui compte et qui marque. C’est le « détour » voire « l’égarement » ou l’errance qui viendra s’inscrire après-coup dans notre propre fiction, c’est-à-dire, à l’aune de ce qu’elle a permis par la suite. L’obstacle a tracé la voie à suivre mais on ne le reconnaît que dans le temps d’après. De la même façon que les paillettes dont elle relate l’invention qui mène de la poubelle à la brillance, la « beauté » est située non plus du côté de l’erreur mais dans le « négligeable », le « jetable » et « l’incertain ». Pas plus de certitudes que d’équations entre les sexes. Lola Lafon reprend les travaux de sociologues qui dissèquent les rapports de prise de parole entre homme et femme. Pas de pourcentage égalitaire ici, pas de rapport sexuel dit Lacan. La certitude est située quant à elle, du côté de la peur, Lacan la localise du côté de l’angoisse.

Lola Lafon aborde ainsi des thèmes importants comme la politique, la mort, le vieillissement dont elle révèle les ressorts et leurs paradoxes dans et par les mots. Ceux-ci sont à la fois vecteurs de confusion, de malentendus et de sous-entendus et elle montre l’envers de certains discours auxquels le sujet se retrouve assujetti. Elle va jusqu’à démontrer le creux que recèle la langue en la vidant de sa substance, ce qu’elle exemplifie en répétant à l’infini le signifiant « jamais ». Elle va ainsi jusqu’à se placer au bord du dire, là où le mot échoue à approcher le réel tout en le désignant, laissant place à ce qu’il ne dit pas, au geste, par le corps mis en action comme c’est le cas de la « révérence ». L’autre geste possible est celui de l’écriture qui est « un aveu d’impuissance à faire autrement » pour « attraper le réel » et pour cela il faut consentir à une perte qui est multiple, souligne Lola Lafon. L’écriture se compose de chute, de chute de soi, de mots et de séparation dont le produit a parfois pour destin ce que Lacan a nommé la poubellication, entre poubelle et publication.

La pièce finit par un morceau de Dominique A intitulé « Le courage des oiseaux » chanté par Lola Lafon nouant ainsi les différents registres de son art entre écriture, musique et spectacle vivant. Et au fond, le courage n’est-ce pas cela ? En dire tellement avec si peu de mots, tout en leur donnant du corps ?

 

Olivia Bellanco

ÉDITO MAI 2024

ÉDITO MAI 2024

PARISLEAKS MAI 2024

 

Chères et chers membres et abonnés de L’Envers de Paris, les vacances d’avril terminées, nous reprenons avec un nouvel élan nos activités et nos projets. 

Le travail des groupes et des vecteurs sera articulé, pendant deux ans, au thème d’étude de l’Envers de Paris : Fantasmes contemporains du corps. Freud a inventé la psychanalyse à partir des maux du corps de l’hystérique, productions de l’inconscient et effets d’une causalité psychique ignorée par le sujet. Le corps traverse tout le temps le dire des patients, il est objet d’exaltation ou de plainte, de rejet ou de fascination, il est aimé ou détesté, il est docile ou n’en fait qu’à sa tête. Le corps du parlêtre qui nous intéresse n’est pas l’organisme, c’est le corps pulsionnel, le corps de la libido, le corps de la jouissance, et c’est notamment le corps parlant. Lacan nous enseigne que c’est dans le fantasme que le sujet « maintient son existence, maintient le voile qui fait qu’il peut continuer d’être un sujet qui parle [1]». La question du corps nous conduit également vers le thème des prochaines Journées de l’École de la Cause freudienne, qui se tiendront en novembre 2024 sous le titre Phrases marquantes. Comment ne pas penser à la marque produite par l’impact de la langue sur le corps ? Les paroles touchent et percutent le corps, le caressent ou le blessent, le font frémir, ou jouir… la langue laisse une trace, une marque indélébile, qui produit une expérience première de jouissance. 

Nous sommes ainsi déjà au travail pour nous préparer à ces prochaines Journées de l’ECF et les membres de l’EdP sont invités à réserver la date du 22 juin prochain, pour un moment de travail en Zoom qui leur est réservé, de 16h à 18h, avec Lilia Mahjoub, directrice des 54es Journées de l’ECF.

Chacun peut commencer à réfléchir sur ce thème, à partir notamment de son propre travail dans les vecteurs, les groupes et les cartels. 

Stéphanie Lavigne, déléguée des cartels pour l’EdP, nous invite à une intéressante lecture : 

 

Cartels

« Il était une fois cinq analysantes qui entreprirent une aventure : partir en terra incognita au pays de Lacan […] Notre premier cartel se mit en route. À l’enseignement de Lacan nous commencions à nous intéresser en assistant à son Séminaire, mais à vrai dire, nous n’y comprenions pas grand-chose, même si, de temps à autre, une phrase résonnait fortement. Je dois dire qu’un des premiers effets de ce cartel fut que j’interrompis la cure que je suivais à l’IPA et m’adressais à Lacan. Butée dans la cure assurément mais pas seulement ! J’avais rencontré là un dire qui fit événement [2]». <En savoir plus>

Ce mois-ci deux nouveaux cartels viennent de se former et il reste deux places pour un cartel clinique en lien avec les prochaines Journées de l’ECFPhrases marquantes. <En savoir plus>

Stéphanie Lavigne.

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Un rendez-vous important mérite d’être signalé : le colloque UFORCA qui se tiendra le 15 juin 2024, de 10h à 18h, à la Maison de la Mutualité, 24 rue Saint-Victor Paris Ve, sous le titre Les diagnostics dans la pratique. Une date à retenir ! 

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Nous avons le plaisir d’annoncer la sortie de l’ouvrage collectif Psychanalyse et subversion des normes aux Presses Universitaires de Vincennes sous la direction de Christiane Alberti et Aurélie Pfauwadel (issu du séminaire interdisciplinaire du Département de psychanalyse – Université Paris 8). L’ouvrage présente une série de contributions sur la question des normes, issues de champs disciplinaires différents, en dialogue avec la psychanalyse lacanienne autour de la question des normes dans le monde contemporain et son malaise actuel. La psychanalyse lacanienne est susceptible d’apporter du nouveau au sein de la réflexion contemporaine sur les normes.

Là où domine aujourd’hui la norme chiffrée, alors que la psychanalyse s’intéresse plutôt à ce qui demeure inéluctablement hors domestication et hors discours établis : les symptômes, les angoisses, les inhibitions, le trauma – bref, ce qui, de la jouissance, échappe toujours aux normes des sujets.

Ainsi, l’apport de la psychanalyse dans les débats actuels est précieux en ce qu’elle ne se contente pas d’éclairer les processus de normalisation sociale, mais interroge aussi la puissance de création de normes et l’inventivité des sujets dans ce qu’elles peuvent avoir aussi bien de subversif.

Sous la direction de : Alberti Christiane, Pfauwadel Aurélie
Auteur.ice.s : Alberti Christiane, Ansermet François, Fajnwaks Fabian, De Lajonquière Léandro, La Sagna Philippe, Le Blanc Guillaume, Leblanc-Roïc Virginie, Lecercle Jean-Jacques, Lenne-Cornuez Johanna, Marret-Maleval Sophie, Pfauwadel Aurélie, Pingeot Mazarine, Rey Olivier, Roy Daniel

Et voici les nouvelles des groupes et des vecteurs de l’EdP :

Vecteur Lectures freudiennes

Dans ce passage de l’article « Un enfant est battu », Freud nous apprend qu’il faut qu’une part du fantasme reste conscient pour pouvoir être refoulé.

« Il ne faut pas oublier, que dans la transformation du fantasme incestueux du garçon dans le fantasme masochiste correspondant, se produit une inversion de plus que dans le cas de la fille, c’est-à-dire la substitution de la passivité à l’activité / […] dans les cas féminins, la conscience de culpabilité, peut-être en soi plus revendicative ».

Nous nous retrouverons le vendredi 17 mai à 21h chez Susanne Hommel, contact : lectures-freudiennes@enversdeparis.org

Seminario Latino

Le SLP prépare la prochaine soirée qui aura lieu en juin, en présence de Clotilde Leguil, autour de son livre L’Ère du toxique. Plus de renseignements à venir.

Responsables : Flavia Hofstetter et Nayahra Reis.

Contact : seminario-latino-de-paris@enversdeparis.org

Vecteur Lectures cliniques 

Le vecteur s’est réuni le samedi 27 avril 2024 pour travailler ensemble les deux premiers chapitres du « Cas Schreber » par Freud, à partir des questionnements de Javier Naranjo Silva et Laure De Bortoli. Ensuite Katie Abril Boch nous a présenté son texte « Je ne peux pas m’enlever ces pensées de la tête » qui a permis sa mise en tension avec le cas Schreber. Les discussions ont été très riches et animées, impliquant tous les membres du vecteur.

Contact : clinique-lacan@enversdeparis.org 

Vecteur Psychanalyse et littérature

Dès son titre, le roman de C. Laurens, Fille, confronte la singularité d’être femme à un signifiant tout seul dont le hors-sens prétend réduire cet être à une signification univoque. Pour subvertir cette définition essentialiste de la féminité, C. Laurens lui oppose les questions qu’enfant, la différence des sexes lui a posées et y articule les théories sexuelles qu’elle a élucubré pour répondre à son être de fille. « La nuit, […] je fais toujours le même rêve […] J’habite une maison confortable […] et chaque fois que j’ouvre un placard, une armoire ou le frigo pour en sortir quelque chose, l’objet est aussitôt remplacé par un autre, encore plus beau, plus succulent, plus conforme à mon désir […] Ce rêve accompagne ma première enfance, il conjure l’inquiétude : je ne manque de rien, je suis comblée [3]». En mettant en tension dialectique son désir d’enfant d’éclairer le mystère de son être avec les réponses que son père et sa mère y apportent, elle met en lumière que l’être féminin de chaque fille s’enracine, non pas dans une essence, une biologie ou une norme, mais dans les marques signifiantes imposant une façon de jouir de son corps et avec lesquelles chacune d’elle se débat. « Le surnom qu’il t’a trouvé alors te restera longtemps : Gras-du-bide […] Tu es une fille gras, c’est tout [4]».

Lors de notre réunion du 30 mai, M.-C. Baillehache proposera sa lecture des chapitres 5 et 6 de Fille dans lesquels C. Laurens aborde le trauma sexuel qu’elle a subi enfant et qui ne cesse plus de la hanter.

Pour rejoindre notre vecteur, contacter M.-C. Baillehache : litterature@enversdeparis.org

Vecteur Le corps, pas sans la psychanalyse

Lors de la dernière rencontre du vecteur, Guido Reyna a présenté une réflexion sur les « hystorisations de la maladie ». Elle pointe notamment les effets de la motérialité du signifiant « cancer » dans l’imaginaire comme dans le réel du corps et elle permet de penser comment le discours capitaliste sur le corps cancéreux renvoie en creux à un certain fantasme capitaliste du corps : en expansion, consommateur, cherchant indéfiniment à se satisfaire de lathouses.

La prochaine réunion se tiendra le 7 mai à 20h au 76 rue des Saints-Pères.

Membres du vecteur : Geneviève Mordant, Pierre-Yves Turpin, Guido Reyna, Martine Bottin, Isabelle Lebihan, Marie Faucher-Desjardins, Elisabetta Milan Fournier, Baptiste Jacomino (coordinateur).

Contact : corpsy@enversdeparis.org

Vecteur Psynéma

Le vecteur se réunira pour une réunion de travail le 22 mai à 20h afin de préparer une rencontre psychanalyse-cinéma, qui aura lieu à Paris le 30 mai 2024 aux 7 Parnassiens à 20h, autour du film L’Autre Côté de l’espoir d’Aki Kaurismäki, sorti en 2017.

Par ailleurs, voici les dates des prochaines séances ciné-débat qui auront lieu au Patronage laïque Jules Vallès à Paris (saison 2024-2025), ainsi que les films concernés (les séances commencent à 14h) :

  1. Samedi 12/10/2024 : Chantage (Blackmail) d’Alfred Hitchcock ; 
  2. Samedi 07/12/2024 : Ordet de Carl Theodor Dreyer ; 
  3. Samedi 01/02/2025 : Le festin de Babette de Gabriel Axel ; 
  4. Samedi 05/04/2025 : Reflection in a Golden eyes de John Huston. 

Pour les rencontres qui auront lieu aux 7 Parnassiens (les séances commencent à 20h) retenir :

  1. Jeudi 19 septembre 2024 : Rashômon d’Akira Kurosawa ; 
  2. Jeudi 5 décembre 2024 : La Chasse de Thomas Vinterberg. 

Le vecteur compte maintenant 14 membres : Maria Luisa Alkorta, Katie April, Karim Bordeau, Alexandra Fehlauer, Estelle Fredet, Anne Ganivet, Lila Kapur, Sophie Lac, Marie Majour, Carole Niquet, Solenne Philippon, Jessika Schlosser, Leila Touati, Eugenia Varela Navarro.

Le vecteur Psynéma reste ouvert.

Karim Bordeau

Vecteur Théâtre

Le vecteur vous invite à découvrir le jeudi 30 mai (et non pas le 29 mai comme indiqué précédemment), Un état de nos vies, un texte écrit et interprété par Lola Lafon à 20h au théâtre du Rond-Point. La pièce sera suivie par un débat avec Lola Lafon et Omaïra Meseguer, animé par Hélène de La Bouillerie. Vous pouvez prendre vos places en appelant la billetterie du Rond-Point au 01 44 95 98 21 avec le code « PSYCHO ». Tarif préférentiel de 23€.

La rencontre suivante aura lieu le dimanche 9 juin à 15h aux ateliers Berthier du théâtre de l’Odéon pour Oui, de Thomas Bernhard, avec Nathalie Georges-Lambrichs comme invitée au débat. Vous pouvez réserver votre place en envoyant un mail à :  theatreetpsychanalyse@gmail.com (prix des places 20€).

Vecteur Clinique et addictions
Une substance peut-elle prévenir un déclenchement ?

Tomás Verger interviendra le mercredi 22 mai 2024 :

Si une suppléance répare l’erreur du nœud de telle sorte que le déclenchement n’a pas eu lieu, nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une réparation qui n’a pas lieu après coup, c’est-à-dire après le déclenchement, mais qu’il s’agit d’une réparation dont la fonction vise à atténuer la désintégration, de telle sorte que le déclenchement ne se produit pas. Le toxique peut-il remplir cette fonction ?

***

Nous vous souhaitons un très beau mois de mai, parsemé de longs week-ends ensoleillés, ainsi qu’une participation active à nos activités et à nos événements.

Cinzia Crosali
Directrice de L’Envers de Paris.
https://enversdeparis.org/

***

[1] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, La Martinière / Le Champ freudien, 2013, p. 119. 
[2] Vinciguerra R.-P., « Un cartel à l’époque de Lacan », Journées des cartels de l’École freudienne de paris, n° 18, 1976, disponible sur internet.
[3] Laurens C., Fille, Paris, Gallimard 2022, p. 781.
[4] Ibid., p. 769.

ÉDITO AVRIL 2024

ÉDITO AVRIL 2024

Chères et chers membres et abonnés de L’Envers de Paris,

En ce temps de vacances et de floraisons du printemps, nous nous préparons pour de nouvelles aventures dans notre mission d’étude et de développement de la psychanalyse à Paris.

La journée CERA a conclu le mois de mars avec succès. Lors de cette 3ème journée d’étude nous avons pu saisir de plus près, grâce aux communications cliniques et théoriques, les entrelacs de l’autisme avec la subjectivité de l’époque. Nous avons pu apprécier la façon dont la psychanalyse répond à la spécificité du sujet autiste, développant une approche à chaque fois différente et en syntonie avec la singularité du cas et des inventions du sujet. 

Le mois de mars a été également pour nous très important car nous avons pu nous retrouver nombreux et en présentiel pour notre Assemblée Générale ordinaire. Le nouveau bureau s’est installé de façon officialisée : Cinzia Crosali, directrice, Olivier Miani, trésorier, Chicca Loro, secrétaire et Stéphanie Lavigne, déléguée des cartels. 

L’assemblée a été un moment joyeux et participatif, et la directrice a exposé le thème d’étude et de travail des deux prochaines années : « Fantasmes contemporains du corps ». Le corps parlant du sujet est au cœur de la psychanalyse et n’a jamais été interrogé avec autant d’intérêt qu’aujourd’hui. Comment l’articuler à notre actualité ? Et avec les connexions que L’Envers de Paris maintient avec les autres champs du savoir ? Plus la dématérialisation des échanges et des activités humaines avance, plus le corps revient dans nos inquiétudes, dans notre actualité : le corps impliqué dans les PMA, le corps augmenté par les applications de l’intelligence artificielle, le corps dans les transitions de genre, le corps au centre des réflexions éthiques sur l’euthanasie, les implantations d’organes d’un corps à l’autre, le corps pris en otage par les drogues, par les addictions, le corps confronté aux critères performants de l’époque : bien-être, santé, poids, forme, âge, apparence, habillement, alimentation… selon les modes qui orientent les identifications. Nous sommes déjà au travail pour explorer les multiples pistes que ce thème nous offre et qui pourra orienter le travail des vecteurs, des groupes et des cartels de notre association.

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Cartels

Nous connaissons bien ces deux citations de Lacan dans lesquelles il écrit que le cartel est le « travail de base »[1] « l’organe de base »[2] de l’École. Dès lors, ça ne cesse pas d’écrire autour de ce dispositif de travail, mis en place par Lacan, lorsqu’il a fondé l’École freudienne de Paris en 1964. Mais en quoi le cartel est-il « travail de base » de l’École ? Qu’est-ce qu’un cartel ? Répondre à ces questions plus de soixante ans après pourrait paraître évident. Pourtant les enjeux qui sont au cœur du cartel ne sont pas si simples. < En savoir plus >

Vous trouverez sur la page « cartel » du site de l’Envers deux nouvelles annonces pour faire cartel : < En savoir plus >

Stéphanie Lavigne.

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Nos amis de l’ACF Ile-de-France organisent, samedi 27 avril, un après-midi d’étude, sous le titre « Images / Visions, au-delà du visible » en direction du thème du congrès de la NLS, la New Lacanian School, « Clinique du regard », qui aura lieu à Dublin les 11 et 12 mai 2024. 

L’extension du domaine du visible, produit par la science et la technique, semble aujourd’hui devenue infinie comme si le sujet moderne avait accès à la possibilité d’une vision totale. Le saut quantitatif qui en résulte, en termes de surproduction des images à voir, s’avère en ce sens exponentiel : pas moins de 3 milliards d’images seraient partagées chaque jour sur les réseaux sociaux.

L’expérience analytique pourrait, en revanche, nous éclairer sur ce que les sujets contemporains ne cessent pas de ne pas voir dans ce défilé incessant des images à scroller.

L’expérience d’une analyse s’avère être un consentement à ouvrir les yeux et au désir de savoir.

Évènement à ne pas manquer : le samedi 27 avril 2024 de 14h à 17h30,  au Centre Sèvre – 35 bis, rue de Sèvres – 75006 Paris. 

Et voici les nouvelles des groupes et des vecteurs de l’EdP pour le mois de mars 2024

Vecteur Lectures freudiennes 

Le vecteur « Lectures freudiennes » poursuit la traduction de l’article : « Un enfant est battu » avec le fantasme de la deuxième phase : être soi-même, battu par le père. La citation de Freud est remarquable et oriente ce travail :

« Si l’organisation génitale à peine atteinte est concernée par le refoulement, alors il ne se produit pas seulement la conséquence que toute représentation psychique de l’amour incestueux devient ou reste inconsciente, mais il arrive une autre conséquence, c’est que l’organisation génitale elle-même subirait une humiliation (Erniedrigung) régressive. Le père m’aime – était dit au sens génital ; par la régression cela se transforme en :  le père me bat ( je suis battu par le père). Cet « être battu » est donc une rencontre entre conscience de culpabilité et Érotique (Erotik) ; ce n’est pas seulement la punition pour la relation génitale réprouvée mais aussi le substitut (Ersatz)  régressif de celle-ci ».

Nous nous retrouverons chez Susanne Hommel le vendredi 5 avril à 21h.

Contact : lectures-freudiennes@enversdeparis.org

Seminario Latino

Le 27 mars le Seminario Latino de Paris (SLP) a inauguré son thème d’étude, « Signifiants dans l’air du temps », avec une première soirée “Autour de l’amour”, à la Maison de l’Amérique latine. Cette très belle soirée, joyeuse, vivante et enseignante, eut pour invitées nos collègues Olivia Bellanco, Juliane Casarin, Soledad Peñafiel, et Dalila Arpin en tant qu’extime.

Le SLP prépare maintenant la prochaine soirée qui aura lieu en juin, en présence de Clotilde Leguil, autour de son livre L’ère du toxique. Plus de renseignements à venir.

Responsables : Flavia Hofstetter et Nayahra Reis.

Contact : seminario-latino-de-paris@enversdeparis.org

Vecteur Lectures cliniques 

Le vecteur des lectures cliniques s’est réuni le 9 mars pour travailler ensemble le texte de Karl Abraham « Différences psychosexuelles entre l’hystérie et la démence précoce ». Le questionnement d’Albert Filhol a permis à mettre en tension ces deux concepts en parlant de Salvador Dalí et en suscitant une discussion extrêmement riche et nuancée. 

Le texte clinique « Cas Aitor », présenté par Marcela Fernandez Zosi, a finement mis en relief le goût bureaucratique de l’aspiration au pouvoir politique en tant qu’une expression du narcissisme secondaire, à l’opposition de la vivacité du désir névrotique. Comment se différencie le positionnement de l’analyste et la conduite de la cure dans ces deux cas ? Tel fut le thème de notre conversation auquel ont pris part tous les participants de notre vecteur.

Contact : clinique-lacan@enversdeparis.org 

Vecteur Psychanalyse et littérature

Le vecteur « Psychanalyse et Littérature » se réunira par Zoom le Jeudi 11 Avril à 20h et poursuivra son étude du roman de C. Laurens Fille dans lequel celle-ci aborde l’absence « de symbolisation du sexe de la femme comme tel. En tout cas, la symbolisation n’est pas la même, n’a pas la même source, n’a pas le même mode d’accès que la symbolisation du sexe de l’homme. »[3] « l’organe de base » Elle s’y souvient, qu’enfant, elle observait comment filles et garçons maniaient le manque du phallus et se débrouillaient imaginairement pour appréhender ce qu’ils n’arrivaient pas à symboliser. Poursuivant, au-delà de l’imaginaire, sa recherche d’une symbolisation de son sexe de fille, elle rapporte, avec humour, que s’étant tournée vers son père, médecin, pour qu’il lui délivre une symbolisation fondamentale, elle en a reçu une réponse dont la portée imaginaire l’a laissée démunie : « j’ai cinq ans. Timide et curieuse à la fois, je suis cachée derrière le canapé. “Vous avez des enfants ?” demande le monsieur. – Non, dit mon père. J’ai deux filles. »[4]

Lors de notre prochaine réunion, Valérie Marchionni nous donnera sa lecture du procès de symbolisation que C. Laurens opère dans son roman Fille quant à son sexe féminin « dans son caractère d’absence, de vide, de trou »[5].

Le vecteur « Psychanalyse et ittérature » reste ouvert à qui, orienté par l’enseignement de Lacan, désire se laisser éclairer par la littérature.

Pour rejoindre notre vecteur, contacter Marie-Christine Baillehache : littérature@enversdeparis.org

Vecteur Le corps, pas sans la psychanalyse

La rencontre du 19 mars 2024 s’est inscrite dans la suite d’une réflexion commencée le mois précédent sur un thème proposé par Jacques-Alain Miller : les fantasmes contemporains du corps. Martine Bottin a présenté une interprétation de l’inflation à laquelle nous assistons, particulièrement dans les médias, d’un discours sur le bien-être et la santé. Cette inflation peut se lire comme le symptôme d’une société qui ne veut rien savoir de la dysharmonie dont le langage marque les corps. On peut aussi y entendre, entre autres, une aspiration à la beauté comme dernière défense contre le réel.

La prochaine rencontre du vecteur aura lieu le 25 avril 2024 à 20h au 76 rue des Saints-Pères. 

Guido Reyna proposera une réflexion sur les hystorisations de la maladie à partir notamment de La maladie comme métaphore de Susan Sontag.

Membres du vecteur : Geneviève Mordant, Pierre-Yves Turpin, Guido Reyna, Martine Bottin, Isabelle Lebihan, Marie Faucher-Desjardins, Baptiste Jacomino (coordinateur).

Contact : corpsy@enversdeparis.org

Vecteur Psynéma

Le vecteur Psynéma prépare pour le 30 mai 2024 une rencontre psychanalyse-cinéma qui aura lieu aux 7 Parnassiens à 20H à Paris autour du merveilleux et étonnant film L’Autre Côté de l’espoir (en finnois : Toivon tuolla puolen), comédie finlandaise écrite, produite et réalisée par Aki Kaurismäki, sortie en 2017. 

Lien pour inscription et info : https://www.parnassiens.com/evenement/2129058-l-envers-de-paris

Le vecteur compte maintenant 12 membres actifs : Maria Luisa Alkorta, Katie April, Karim Bordeau, Estelle Fredet, Anne Ganivet, Lila Kapur, Sophie Lac, Marie Majour, Carole Niquet,  Solenne Philippon, Jessika Schlosser, Leila Touati.

Venez à cette rencontre du 30 mai vous ne serez pas déçu du voyage…

Par ailleurs, le vecteur est ouvert à des nouveaux participants.

Karim Bordeau

Entrée libre sous réservation :
https://www.patronagelaique.eu/event-details/marathon-man
Ou réservation au : 01 40 60 86 00

Vecteur Théâtre

La rencontre organisée par le vecteur « Théâtre et psychanalyse » le vendredi 15 mars au Théâtre 14 autour de la pièce Les bonnes a donné lieu à un échange passionnant entre le metteur en scène Mathieu Touzé et Francesca Biagi-Chai devant une centaine de spectateurs. Mathieu Touzé a twitté le lendemain qu’il s’agissait d’ « un des plus beaux commentaires sur son travail », confirmant l’intérêt de faire dialoguer le théâtre et la psychanalyse à l’intérieur même des théâtres.

Vous pouvez d’ores et déjà réserver sur votre agenda les deux prochaines rencontres organisées par le collectif : le jeudi 29 mai à 20h au théâtre du Rond-Point pour le spectacle de Lola Lafon Un état de nos vies, et le dimanche 9 juin à 15h aux ateliers Berthier du théâtre de l’Odéon pour Oui, de Thomas Bernhard.

Contact : theatre@enversdeparis.org

Vecteur Clinique et addictions

Cristóbal Farriol interviendra sur Edgar Allan Poe le 25 avril.

Génie littéraire, Edgar Allan Poe pourrait bien faire partie de la longue liste d’écrivains alcooliques. Mais est-ce vraiment le cas?  Déjà Baudelaire considérait cette réputation du bostonien comme une grossière diffamation, typique du puritanisme américain. Ceci porte une graine de vérité : bien que mort à 40 ans après une forte alcoolisation, ce qui marque l’existence de Poe ce sont plutôt 40 ans de Hilflosigkheit. Sa biographie, élucubration de cette existence, évoque ses nombreuses tentatives de parer à cette détresse à ciel ouvert (écriture, famille, célébrité), où l’auto-boycott finit toujours par avoir le dernier mot. En effet, bien que Poe était indéniablement un grand sublimateur, l’itération de sa destruction nous montre, pourtant, que la jouissance sera toujours plus forte que l’amour.

Renseignements et inscriptions sur addicts.org/conversations

Les membres du bureau et la directrice de l’EdP vous souhaitent des excellentes vacances et vous attendent nombreux aux activités et aux évènements organisés pas notre association. 
Cinzia Crosali

Directrice de L’Envers de Paris.
https://enversdeparis.org/ 

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[1] Lacan J., « Acte de fondation », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 230.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre xxviii, « Dissolution », leçon du 11 mars 1980, inédit.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981, p. 198.
[4] Laurens C., Fille, Paris, éd. Quarto Gallimard, 2023, p. 779.
[5] Lacan J., Le séminaire, livre III, Les psychoses, op. cit., p. 199.

La pulsion de mort en scène : Andromaque

Andromaque 1 et la pulsion de mort

Andromaque, la pièce de Racine

Andromaque est une tragédie dont l’intrigue se déploie un an après la guerre de Troie, les grecs sortant vainqueurs grâce à Pyrrhus, roi d’Épire et à son père, Achille. Les effets des atrocités de la guerre de Troie sont inscrits dans la vie politico-sociale et marquent l’intime des personnages : c’est sur fond d’ effondrement de Troie, ville décrite alors par Pyrrhus comme « cendres… Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes … » 2 que les héros se déchirent et donnent libre cours à la violence qui les habite.

De par leurs liens familiaux ou leurs actions, ils sont impliqués dans le carnage de Troie : Pyrrhus et Andromaque, troyenne captive de ce dernier, épouse du troyen Hector, mort à la guerre, se sont trouvés au cœur du massacre; Hermione, offerte par son père à Pyrrhus en guise de remerciement d’avoir écrasé Troie, est la fille d’Hélène, directement liée au déclenchement de la guerre 3 .

Dans le texte, les horreurs de cette guerre sont omniprésentes : « Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle » 4 , se souvient Andromaque, en parlant de ce qu’a enduré son peuple. La crainte d’une nouvelle effusion de sang entre Troyens et Grecs hante les personnages. Les Grecs craignent qu’Astyanac, le fils d’Andromaque et d’Hector, ne venge la mort de son père. Aussi, veulent-ils sa mort : « Il n’est point de familles qui ne demandent compte à ce malheureux fils d’un père ou d’un époux qu’Hector leur a ravis et qui sait ce qu’un jour ce fils peut entreprendre » dit Oreste, le messager des grecs, envoyé à Pyrrhus 5. En épousant Andromaque, Pyrrhus, lui-même, quoiqu’il dise refuser de « se baigner dans le sang d’un enfant » 6 et de poursuivre « ses inimitiés » 7, finira par provoquer à nouveau un bain de sang en épousant Andromaque.

Sur fond de dévastation, avec violence se décline la grammaire des amours passionnelles impossibles, « Je t’aime moi non plus ». Pyrrhus veut posséder Andromaque : jouissant du plaisir à se perdre pour celle-ci 8, il s’apprête à sacrifier « amis… et devoirs » 9 pour s’unir à elle, ce qui lui vaudra sa perte 10. Cependant, il la hait d’autant plus qu’elle est inaccessible : « Cent fois, dit-il d’Andromaque, le nom d’Hector est sorti de sa bouche » 1. En menaçant de tuer Astyanax, il fait de l’enfant d’Andromaque et d’Hector, un objet de négociation de l’amour de la mère. Épris d’Andromaque, il laisse libre cours à sa haine : « Attend-elle en ce jour Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour ? » 12. Andromaque, fidèle à son époux, elle balance entre deux modalités où la mort est en jeu: verser son sang avec celui de son fils, pour échapper à Pyrrhus ou, pour sauver son fils, se tuer après avoir contracté mariage avec le roi d’Épire.

Hermione, elle, rend compte de ce que Lacan appelle l’«hainamoration» 13 . En parlant de Pyrrhus, elle déclare : « sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione » 14 . Celle-ci est aimée par Oreste alors que son regard n’est tourné que vers Pyrrhus attaché à Andromaque. Jouissant d’imaginer que cette dernière comble Pyrrhus, Hermione est rongée par la «jalouissance» 15 . Elle reproche à Pyrrhus: « Tu comptes les moments que tu perds avec moi, Ton cœur impatient de revoir ta Troyenne,… Tu la cherches des yeux » 16. La folie vengeresse d’Hermione la pousse au meurtre par procuration. Pour satisfaire sa soif de vengeance, elle utilise l’amour aveugle d’Oreste envers elle, pour lui intimer d’assassiner Pyrrhus. Cependant, à la mort de ce dernier, elle le pleure. Elle méprise et rejette alors Oreste, et elle n’assume pas avoir tenu des propos meurtriers. « Fallait-il en croire une amante insensée ? Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? 17, lui dit-elle, ce qui peut se lire dans la suite de Lacan, « Ne me donne pas ce que je te demande, parce que ce n’est pas ça que je désire » 18 . Nous voyons bien que « répondre à la demande est forcément la décevoir, puisque ce qui y est demandé est Autre-Chose » 19 . Voulant satisfaire sa bien-aimée et la posséder, Oreste passe à côté de son idéal en acquiesçant à l’exigence d’Hermione d’assassiner Pyrrhus, qu’il vénère pourtant 20 . Au terme, il se retrouve, seul, répudié par l’aimée qui le traite de « monstre » 21 . Il succombe alors à la folie.

Dans la pièce de Racine, les héros oscillent entre un discours amoureux et celui de la haine, envahis par une jouissance mortifère; la pulsion de mort, telle une substance explosive, se déchaîne dans une effusion de sang, la mort ou la folie. Entre leurs angoisses et leur volonté de domination, les héros tracent leur propre voie vers le suicide 22. Dans cette pièce, la répétition des signifiants matérialise, «motérialise » la pulsion de mort 23 : « le sujet est amené à se comporter d’une façon essentiellement signifiante en répétant indéfiniment quelque chose qui lui est à proprement parler mortel », affirme Lacan 24. Les signifiants mort, venger/vengeance, haine, sang ne cessent d’insister à travers le discours de chacun.

La mise en scène à l’Odéon, théâtre de l’Europe

Stéphane Braunschweig, metteur en scène, a su rendre palpable cette violence qui se manifeste dans toute la pièce de Racine par une trouvaille interprétative : un liquide rouge recouvre la scène dans laquelle les héros piétinent, se déplacent … Le spectateur ne peut oublier que le discours de chacun des personnages baigne dans ce sang qui les a éclaboussés à des titres différents. Stéphane Braunschweig a lu le texte racinien, pas seulement comme l’expression de passions amoureuses, mais comme la mise en lumière de l’impact de la folie guerrière sur la folie individuelle 25 . Par son décor sobre, hors du temps, l’interprétation renvoie au monde contemporain : un habillement moderne, un maniement des alexandrins avec le style du langage parlé. Stéphane Braunschweig a souhaité ne pas dissimuler la cruauté omniprésente le long de l’écriture, que pourrait voiler la beauté des alexandrins 26 : pas d’enjambement, pas d’inscription dans la musicalité des vers. La mise en scène rend hommage à cette tragédie de 1667 en faisant résonner chez le spectateur des préoccupations actuelles, la guerre à nos portes, l’injonction au meurtre d’un homme par une femme, l’impossible rapport entre les «parlêtres». Elle met à notre portée la pérennité du Malaise dans la Civilisation. Andromaque plonge le spectateur dans un mauvais rêve où, entre le 17 e et le 21 e siècle, la ligne du temps se condense en un point d’où surgit le réel, intemporel, de la pulsion de mort.

 

Bernadette Colombel

 

[1] Tragédie de Racine, jouée la première fois en 1667, récemment mise en scène par Stéphane Braunschweig au
Théâtre de l’Odéon. Le 3 décembre 2023, dans le cadre de l’Envers de Paris, la représentation a été suivie d’un
échange entre le metteur en scène, Virginie Leblanc, et Hélène de la Bouillerie, psychanalystes, membres de l’ECF.

[2] Racine J., Andromaque, Paris, Gallimard, coll. Folio Classique, 1982, Acte I, scène 2, p. 201-202.
[3] Le déclenchement de la guerre de Troie a été causé par l’enlèvement d’Hélène, épouse de Ménélas, roi de Sparte,
par Pâris, prince troyen.

[4] Ibid., Acte III, Scène 8, 997-998.
[5] Ibid., Acte I, Scène 1, 158-161.
[6] Ibid., Acte I, Scène 1, 216.
[7] Ibid., Acte I, Scène 1, 219
[8] Ibid., Acte II, Scène 5, 642.
[9] Ibid., Acte II, Scène 5, 639.
[10] Lacan, Jacques, Le Séminaire, Livre XVII, L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, p. 83.
[11] Racine, Jean, Andromaque, Acte II, Scène 5, 650.
[12] Ibid., Acte II, Scène 5, 655-656.
[13] Lacan, Jacques, Le Séminaire, livre XX. Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 84.
[14] Racine, Jean, Andromaque, Acte V, Scène 2, 1422.
[15] Lacan, Jacques, Ibidem, p. 9
[16] Racine, Jean, Andromaque, Acte V, Scène 6, 1376-1379.
[17] Idem, Acte V, Scène 3, 1545-1546.
[18] Lacan, Jacques, Le Séminaire, livre XIX, … ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 82.
[19] Idem, La psychanalyse. Raison d’un échec (1967), Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 343.
[20] Racine, Jean, Andromaque, Acte IV, Scène 3, 1206-1207.
[21] Ibid., Acte V, Scène 3, 1564.
[22] Lacan, Jacques, L’agressivité en psychanalyse (1948), Les Écrits, Paris, Seuil 1966, p 124.
[23] Idem, Le Séminaire Livre III, Les psychoses, Paris, Seuil,1975, p. 326.
[24] Idem, Le Séminaire Livre IV, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 5
[25] Une paix impossible? Entretien avec Stéphane Braunschweig, Fascicule publié par Odéon, Théâtre de
l’Europe, Andromaque de Racine mise en scène et scénographie par Stéphane Braunschweig, du 16 au 22
décembre 2023.

[26] Envers de Paris, Échange avec Stéphane Braunschweig, 3 novembre 2023.