Les machines vous souhaitent la bienvenue
Introduction à la prochaine conversation du TyA/ Clinique et Addictions par Pierre Sidon
Éducation thérapeutique, rééducation, remédiation cognitive, humains virtuels, thérapie par les robots, smartphone psychiatrist, questionnaires, évaluation… Que de termes pour dire, en un mot, que demain ce seront des machines qui nous accueilleront partout… Et, pourquoi pas, qui nous mettront au monde ? L’algorithme est partout qui annonce des lendemains qui chantent. La puissance financière de la nouvelle économie numérique alliée à l’espérance de bonheur dans le progrès enivrent les investisseurs qui annoncent l’avènement des psychothérapies robotiques. . Sara (Socially aware robot assistant), Kaspar (Kinesics and Synchronization in Personal Assistant Robotics), Ellie (de SimSei)> en sont quelques exemples parmi les plus médiatisés.
La tech-presse, qui vit de cette bulle, ne cesse de relayer cet optimisme annonçant une aide précieuse pour les malades, leurs familles et les professionnels. Pourtant le psychiatre star Thomas Insel qui avait quitté le NIMH en novembre 2015 après avoir publié l’acte de décès du DSM V à peine né chez son voisin l’American Psychiatric Association, déclarait alors qu’aucun progrès, ni diagnostic ni thérapeutique n’avait été fait malgré les milliards de dollars investis dans les sérieuses études auxquelles il avait participé : « je mériterais d’être viré »>. Sautant de branche en branche à l’instar des campagnols femelles qui l’ont rendu célèbre, il a depuis quitté Verily, la filiale d’Alphabet, consortium de Google et créé sa propre startup, Mindstrong> qui développe une application-psychiatre pour smartphone. Il a tenu à cette occasion à ne pas mettre en cause le management très critiqué d’Andy Conrad, le CIO de Verily réputé pour ses tocades technophiles imprévisibles déstabilisantes pour ses équipes.
Pourtant, la diversité des initiatives ne voile pas la fixation au modèle épistémologique choisi : après l’échec de la méthode statistique et délibérative au principe du DSM, c’est toujours aux grands nombres qu’on fait confiance, mais cette fois-ci, le brut qu’on exploite, c’est le big data, avec comme outil les systèmes apprenants autonomes dont on attend qu’ils sauront, eux, extraire les régularités du bruit. Cependant, le papa de l’assistant vocal Siri d’Apple, Luc Julia, désormais à la tête du centre de recherche en IA de Samsung à Paris, déclarait lui-même récemment que l’intelligence artificielle n’existait pas pour l’instant. Ou alors elle se contente de gagner au Go ou aux échecs, voire à s’entraîner à la guerre. Mais elle peine à nous conseiller ne serait-ce que pour l’orthographe des logiciels de saisie du texte et sa suggestibilité la disqualifie définitivement lorsqu’elle apprend si bien qu’elle relaie des idées racistes homophobes et sexistes sur les réseaux sociaux à l’instar de Tay, le chat bot malheureux de Microsoft en 2016>. Pourra-t-elle jamais servir autre chose que la pulsion de mort ?
En attendant, c’est bien munis de nos corps que nous accueillons la souffrance « d’un qui souffre » et cette présence est requise pour réveiller et traiter le réel à l’œuvre dans la destinée des parlêtres. Or c’est ce réel, soit l’impossible au cœur du parlêtre, que tente de dissoudre l’idéalisation alliée à la numérisation de la vie : le quantified self. Dans le moment de transition que nous vivons, l’Entretien Motivationnel de Miller et Rolnick en est un des exemples. C’est une méthode d’évaluation et de soutient de la motivation au changement sur laquelle nous allons nous arrêter le temps de notre prochaine soirée du TyA – Envers de Paris car elle a connu un grand succès auprès des professionnels travaillant avec les addictions: principalement médecins addictologues, infirmiers et éducateurs. Pourquoi ? Parce qu’elle est chargée, de l’aveu même de ses inventeurs, d’améliorer les mauvais chiffres de l’abandon de la thérapie cognitive-comportementale en cours de traitement. Comment ? En écartant de la thérapie les moins « motivés ».
Elisabetta Milan-Fournier nous en dira plus avec son travail intitulé : « De l’hypnose directive à l’entretien motivationnel : la réeducation du patient par la séduction. » Quant à Pierre Sidon, avec « Le corps parlant dans le monde de demain : Corriger ou ponctuer le savoir de l’Autre ; entretien motivationnel et pratique analytique », il illustrera cette problématique de la disparition du corps en perspective dans l’humain virtuel et donnera en contre-point l’illustration de l’efficacité de la pratique analytique dans un cas de traitement bref de poly-addiction.
Au contraire de l’Entretien Motivationnel, la pratique analytique se fonde sur l’absence de méta-langage : elle ne cherche pas à traduire la langue du sujet mais elle ponctue, coupe et tranche dans le discours en dénudant le réel qui le suscite. C’est ainsi qu’elle permet au sujet de gagner en liberté quant aux déterminations de son être.
Pour s’inscrire à la conversation du 29 mai 2018 : http://addicta.org/>