Le corps, pas sans la psychanalyse

Le corps, pas sans la psychanalyse

Pour achever nos réflexions d’une année sur le thème des fictions, nous nous sommes intéressés au philosophe Paul B. Preciado qui a engagé une transformation Femme —› Homme depuis 2004 par la prise régulière de testostérone. Il se définit comme « homme – trans » ni homme ni femme, montrant et réalisant dans son corps et sa chair une nouvelle conception non normative du corps vivant qu’il souhaite partager avec tous, dans une utopie commune à l’heure actuelle de l’ultra-connexion, en en faisant ainsi la mise en acte d’une politique.

À l’orée de cette nouvelle année nous avons décidé de prendre pour boussole le thème du prochain Congrès de l’AMP sur « Le rêve. Son interprétation et son usage dans la cure lacanienne ». Nous avons commencé par une lecture de Freud sur le rêve (le chapitre 7 de la Traumdeutung, ses écrits « Sur le rêve » et le chapitre XXIX des « Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse »), puis de différents textes de Lacan, notamment « La Troisième » et « Le moment de conclure ». Nous avons ainsi revu les différences entre les deux façons d’aborder les fonctions du rêve : le premier en faisant un pas vers la réalisation d’un désir inconscient du dormeur et contribuant à apaiser son sommeil, le second en en faisant au contraire un outil visant à précipiter son réveil.

Qu’en est-il du rêve et de sa fonction, à l’heure de « la vie liquide » où tout doit être transparent, où tout est exposé, à la vue de tous, où les limites entre intimité et vie publique sont ainsi gommées ? Bien sûr on continue à rêver, et c’est toujours le corps de l’être parlant qui est en jeu dans le rêve, c’est toujours de son corps propre qu’il s’agit dans cette mise en images : comment rêve-t-on et pourquoi rêve-t-on aujourd’hui ? Quels peuvent être maintenant les points d’accroche de son rêve pour l’analysant et les points d’appui de l’analyste dans sa praxis ? Que peut-on en attendre comme effets-retours sur le corps ?

C’est ce dont nous avons commencé à discuter à partir d’une projection du dernier film de Cédric Klapisch « Deux moi » qui illustre ces différentes questions. Geneviève Mordant

Nous continuerons nos réflexions lors de nos prochaines rencontresà raison d’une fois par mois, les séances seront déterminées d’une fois sur l’autre.

Pour s’inscrire vous pouvez contacter Geneviève Mordant au 06 08 26 49 46

 Lectures Freudiennes

 Lectures Freudiennes

Nous poursuivons la lecture, l’interprétation et la traduction du texte de Freud « Compléments métapsychologiques de la doctrine du rêve » – Metapsychologische Ergänzung zur Traumlehre – écrit par Sigmund Freud en 1916  pendant la Première Guerre Mondiale, ceci dans le but de la transmission de l’invention incroyable, innommable de Freud.

Ce qui est fondamental c’est de distinguer, d’un côté, les perceptions, et de l’autre, des représentations remémorées, qu’elles soient très intenses ou non. Pour combler ce trou de l’objet manquant, le sujet hallucine cet objet. Mais la satisfaction fait défaut dans le cas de l’hallucination. Alors le sujet installe ce que Freud a appelé une épreuve de réalité. En quoi consiste-t-elle ? Comment le mode de satisfaction de désir non hallucinatoire peut-il être rétabli ? Susanne Hommel

Notre prochaine rencontre aura lieu Le 6 novembre 2019 à 21h chez Susanne Hommel>

 

 

 

 

 

 

 

 

littérature & psychanalyse

littérature & psychanalyse

Mes mauvaises pensées : Nina Bouraoui pas-folle-du-tout
par Marie-Christine Baillehache

Consentant, dans sa cure, à se faire docile à l’énigme du silence de son analyste, N. Bouraoui retrouve « la spirale des mots »(1) dans le même temps où elle empreinte la voie de son désir qui n’est pas « juste un désir du corps mais aussi un désir de vivre »(2)Ce nouveau rapport à sa parole où se sont introduits un silence énigmatique et un mouvement vivant – « Vous êtes silencieuse » dit-elle à son analyste, « c’est vers ce silence que je dois aller »(3) – renouvelle radicalement son écriture littéraire. Elle abandonne l’« écriture blanche »(4) de la belle forme impersonnelle et se voulant sans faille qui jusque là défendait sa « peur de déstructurer [son] langage »(5) et engage son écriture sur la voie métonymique. Avec son roman de 2005 Mes mauvaises pensées, en mettant à l’œuvre la forme littéraire métonymique appropriée à sa parole associative sous transfert, elle effectue ce tournant décisif dans son écriture en l’obligeant, désormais, à s’y « tenir au plus près »(6) du réel.

« Je souffre d’écrire sur la mort, je ne peux pas écrire sur la sexualité, les deux sujets me semblent tenir sur la même ligne. Je n’ai pas honte de la sexualité, j’ai peut-être honte de la jouissance. »(7)

C’est sa propre jouissance de mort que N. Bouraoui vient questionner dans sa cure. Au-delà de son symptôme de honte qui la satisfait et l’interdit, cette jouissance en trop la renvoie à sa question, peut-être, sur son être, sur son peu d’être. Parce que cette jouissance n’y répond pas, elle en appelle à la parole associative sous transfert.

Elle y trouve la métonymie mettant en jeu ce que Lacan nomme le « pour être »(8). Cet enjeu de la manifestation de son être menacé par sa jouissance de mort, son écriture métonymique la vise et la redouble : « Je n’ai pas honte de ma parole, j’ai toujours écrit. »(9) Dans sa cure et dans son écriture, cet exercice du glissement métonymique du sens la pousse à produire sans limite du sens jusqu’à ce qu’elle trouve immanquablement le terme au point « où le sujet ne peut se nommer »(10)C’est en ce point où l’Autre du sens lui fait défaut que N. Bouraoui se confronte au désir de cet Autre qui « l’aspire littéralement et [la] laisse sans recours »(11). Son corps, d’y être trop impliqué, fait disparaitre son sujet de la parole et son être.

«  Il y a toujours ce moment dans ma vie où je me laisse faire, où je m’abandonne, où l’on pourrait tout faire de moi, où on pourrait tout faire de mon corps. »(12)

C’est sur ce point du ravissement de son corps et de son rapport à l’au-delà du désir de l’Autre maternel que notre Vecteur littérature et psychanalyse poursuivra son travail le Mardi 5 Novembre.

Notre Vecteur reste ouvert à tout désir d’y travailler cette question orientée par les J49. Contact Marie-Christine Baillehache> ou 06 42 23 37 03

 

(1) Bouraoui N., Mes mauvaises pensées, Paris, Ed. Stock, 2005, p. 79.

(2) Ibid., p. 79-80.

(3) Ibid., p. 11.

(4) Ibid., p. 20.

(5) Ibid., p. 20.

(6) Ibid., p. 51.

(7) Ibid., p. 80.

(8) Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation,  texte établi par J.-A. Miller, Paris, La Martinière / Le Champ freudien ed., 2013, p. 514.

(9) Bouraoui N., Mes mauvaises pensées, op.cit., p. 10.

(10) Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, op. cit., p. 488.

(11) Ibid., p. 508.

(12) Bouraoui N., Mes mauvaises pensées, op.cit., p. 51-52.

Quand Madame Mao rencontre Eva Braun

Quand Madame Mao rencontre Eva Braun

 

Soirée préparatoire vers les 49es Journées de l’ECF « Femmes en psychanalyse », mardi 22 octobre à 20h, à la Maison de l’Amérique Latine 217, Bld. Saint-Germain, à Paris

Par Florence M.-Forsythe, comédienne, metteure en scène, auteure, productrice à France-Culture, et Carol-Ann Willering, auteur dramatique, scénariste, metteure en scène, artiste plasticienne.

Avec Florence M.-Forsythe, Laure Guizerix, comédienne, Sylvia Lipa-Lacarrière, comédienne et déléguée artistique de l’association d’amis de Jacques-Lacarrière.

Rencontre animée par Francesca Biagi-Chai et Beatriz Gonzalez-Renou, psychanalystes membres de l’ECF.

Ce travail a été initié par le désir d’explorer théâtralement ce qu’être une femme signifie, dans ses multiples occurrences, que ce soit dans le passé ou dans le présent. Sans préjuger de ce qu’elle pourrait être dans l’avenir. Femmes de théâtre, nous avons été confrontées, tout au long de notre parcours, à de multiples figures féminines de l’histoire du théâtre, depuis les textes de la Grèce antique jusqu’aux personnages du registre contemporain. Ce voyage dans les grands textes dramatiques s’accompagne forcément d’une traversée de la place des femmes dans l’Histoire et dans les différentes civilisations. L’écriture théâtrale fut majoritairement le fait d’auteurs masculins et de ce fait, la place des femmes dans leurs pièces, souvent réduite à des figures stéréotypiques, entre la mère, l’épouse, la maitresse, la fille, la veuve, la vierge, la pute, la muse, la sainte, la garce, etc.

Pour ce travail, nous avons donc voulu sortir des textes dramatiques et des rôles traditionnellement dévolus aux femmes, au théâtre, et nous intéresser à des femmes ayant réellement existé, ayant tenu une place particulière dans l’Histoire et à leur donner véritablement la parole, en s’appuyant sur leurs écrits, correspondances, sur des témoignages, sur toutes sortes de documents historiques, etc. Notre démarche a été ensuite de nous approprier leur langage, leur logique, sans interprétation ni jugement, mais à la manière dont on procède au théâtre pour entrer dans la peau d’un personnage, comprendre sa langue et sa logique personnelle, son background, sa vision pour devenir, incarner ce personnage sur la scène.

Pour le premier opus de cette série, nous nous sommes intéressées aux femmes de dictateurs. Pourquoi les femmes de dictateurs ? Parce qu’à notre connaissance, il n’existe pas de femme dictateur. Bien sûr, dans l’histoire, il y a eu des femmes qui ont régné, parfois d’une main de fer, mais elles étaient arrivées au pouvoir par leur naissance, mises sur le trône par des royauté de droit divin, soit qu’elles en étaient les seules héritières, soit par veuvage. Serait-ce alors parce que la dictature est l’émanation d’une soif de pouvoir qui procède exclusivement du masculin ? Mais qu’en est-il alors des épouses de ces hommes ? Comment devient-on femme de dictateur, quelle place ont-elles dans le régime mis en place par leur mari et comment le vivent-elles, jusqu’à quel point ces femmes sont-elles ou non complices de leurs époux et de leurs crimes ? Il existe une multitude de témoignages, d’interviews, de documents historiques, d’images d’archives sur ces femmes de dictateurs qui, pour la plupart, ont vécu au 20e siècle et dont certaines vivent encore aujourd’hui et continuent à s’exprimer sur les médias, y compris sociaux, à l’instar d’Imelda Marcos et de Michèle Bennett Duvalier.

Ce premier opus a été présenté à plusieurs reprises dans des médiathèques, toujours suivis par des échanges et discussions avec le public. Ce qui est apparu au cours de ces échanges, c’est que les spectateurs avaient eu le sentiment d’être entrés dans l’intimité de ces femmes, dans leur vérité. Le voyage qu’ils avaient fait, en compagnie de ces femmes, les interrogeait, les bousculait. Et c’est là aussi l’objet de notre recherche et de notre démarche théâtrale, sortir du divertissement, tel que le théâtre aujourd’hui est trop souvent pratiqué ou réduit, pour retrouver sa dimension universelle et cathartique.

Florence M.-Forsythe et Carol-Ann Willering